Un gospel mélancolique.

Après 19, 21, et 25, Adele poursuit son œuvre (et sa vie) dans une direction artistique toujours cohérente et bien définie, qui évolue à pas de velours. Elle affine de plus en plus son style et semble s'affirmer dans une ambiance soul, voir gospel et (osons le dire ?) avec presque une touche de jazz (Erroll Garner oblige, All Night Parking est vraiment excellent).

Et cette affirmation de style se déroule progressivement avec un début assez lent qui fournit une parfaite transition avec son précédent album, 25. Adele prend le temps entre chaque album d'avoir matière à développer sur ses chansons. Elle ne semble pas chercher l'inspiration pour composer, la vie se charge de la lui fournir. J'aime cette mentalité. Ainsi, on voit très bien sur l'ensemble de son œuvre, aux titres de ses albums, à ses paroles, à ses interprétations, qu'Adele évolue avec le temps. Mais on ne change pas du jour au lendemain, l'évolution est progressive. On la perçoit à peine.

Et c'est fou comme cette évolution, mesurable avec la parution de ses albums, est pertinente vis à vis d'un réel développement dans la vie. Faire des albums rapprochés à 19 et 21 ans, c'est complètement logique, il s'en passe des trucs pendant cette période de la vie ! Puis ça se calme un peu, on trouve un équilibre à 25 ans. À 30 ans, on arrive maintenant à prendre du recul sur les choses qui nous entours, on a murit.

J'ai la sensation qu'Adele souhaite de plus en plus toucher son auditoire quand elle chante et elle y parvient en chantant d'abord pour elle (et pour son enfant). Chaque chanson est personnelle et arrive à atteindre nos cœurs de mufle. Elle se livre à chaque titre, ça se ressent, et ça remue quand même un peu les tripes.

Adele a une voix impressionnante. Personne ne dira le contraire. Mais une voix ça ne suffit pas. Adele arrive a imposer une ambiance très reconnaissable sans se reposer sur ses cordes vocales. Les parties instrumentales sont toujours simples mais travaillées, souvent avec des sonorités plutôt "soul". Ici encore plus que dans tous ses précédents albums (sauf si on considère que 25 était l'ambiance poussive et ennuyante) l'atmosphère est particulièrement prononcée sans être forcée. Là, sur beaucoup de morceaux, ce que je ressens, c'est un gospel mélancolique. Et franchement j'adore. S'approprier comme ça un genre musical, le faire vivre (voir survivre) à travers son histoire personnelle, sa personnalité, c'est beau, c'est poignant et surtout, c'est bien fait.

J'ai aussi l'impression qu'Adele pousse encore un tout petit peu son jeu de voix. Elle est limpide, cassée, elle décroche ou même s'éteint pour une fraction de seconde (vers la fin de Love is a Game) mais toutes ses fioritures sont amenées avec délicatesse et subtilité, elle n'en joue pas trop comme pouvait le faire Freddy Mercury (je ne dis pas que c'était mal, ça collait parfaitement à l'image et aux compositions du groupe), elle parvient à maintenir son ambiance presque élégiaque et apporte de la consistance à ses paroles.

Je ne pense pas que cet album égale 21 qui était tout de même une sacrée claque. Mais 30 est simple. 30 est beau. 30 est poignant. Que demander de plus ?