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7.6
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Album de Aphrodite’s Child (1972)

Demis Roussos c'est aussi ça !!!!

Comment un tel album a-t-il pu naitre ? En effet, rien ici du Demis Roussos chantant chez Patrick Sébastien pour faire pleurer les mamies, pas non plus en apparence de rapport avec la prodigieuse carrière menée par la suite par Vangélis, davantage connu pour sa musique électronique et de film plus que pour sa dimension de dieu du rock, sans parler des deux autres membres du groupe, Silver Koulouris, à la guitare, absolument transcendé, et Lucas Sideros, à la batterie, aujourd'hui tombés plus ou moins dans l'oubli. Ces quatre musiciens grecs, en partance pour Londres en 1968, des envies pleins la tête, subitement stoppés dans leur élan par la douane et contraint de se réfugier à Paris, rien ne les prédestinait à sortir cet OVNI du rock progressif.


Après deux albums qui connurent un certain succès en Europe, avec des accents pop, le groupe se résout à enregistrer un nouvel opus, qui sera fatal à la formation, déjà proche de la rupture, sur une idée de Vangélis, qui voulait illustrer l'Apocalypse. Fort de ce concept, les quatre musiciens ont enregistré une musique difficilement qualifiable tant elle est complexe à appréhender, à la fois truffée de bonnes idées, d'ironie, de mélodies brillantes et de paroles prophétiques, tant elle zigzague entre les styles, passant volontiers du rock pur et dur (avec des influences Beach Boys et Beatles parfois) à des musiques orientales, à la pop, au jazz, au récit, proche de l'invocation, voire à des styles inclassables comme le fameux morceau Infinity Symbol sur lequel je reviendrais. On peut véritablement parler d'un album de rock progressif, de par l'instrumentalisation très péchue de certains morceaux, des ambiances, de l'album concept, de la multiplication des instruments, des effets (Vangélis est un génie sur ce point, touchant aussi bien aux percussions qu'aux claviers, qu'à la flute et à bien d'autres choses encore). La guitare, instrument phare du rock est bien présente - et quelle guitare ! Sur le morceau The four Horsemen, les solos sont tout simplement déments. Demis Roussos, qui était aussi bassiste - eh oui - livre également une prestation impeccable sur son instrument. Et sa voix ! On peut se le dire, une des plus belles voix possibles pour ce genre musical. Allez savoir pourquoi il s'est fourvoyé ensuite. Mais, dans les quelques morceaux dans lesquels on l'entend, il n'y a aucun doute. Il apporte une connotation byzantine et orientale à cet album fiévreux qui est absolument somptueuse. Les percussions sont également très présentes, sans parler des voix secondaires, un narrateur, celle de Irène Papas aussi à deux reprises me semble-t-il. Bref, beaucoup, beaucoup d'épaisseur en réalité.


Le tout forme un double-album concept avant l'heure car The Wall, d'un format équivalent, ne sortira que huit ans plus tard ! Le propos est teinté d'ironie : "Cet album a été enregistré sous l'influence du Salehp" peut-on lire sur la pochette. Cette phrase fit scandale, tout le monde pensant alors à de la drogue. Mais il s'agissait en fait d'une boutade, le Salehp étant une boisson de Turquie à base de plante, inoffensive. La messe est dite. Cet album est une boutade, sur un sujet sérieux. L'apocalypse est remarquablement mise en scène avec des leitmotiv, des motifs : la bête, les trompettes, l'ambiance fin du monde, spirituelle même, tout y est, mais on a aussi des choses totalement loufoques : " We got the system, to fuck the system", première phrase de l'album, une phrase absurde. On trouve également certains morceaux très allants et joyeux, que ce soit Babylon ou the Four Horsemen, d'autres plus mystiques voire totalement expérimentaux : prenons le cas de Infinity Symbol qui fit scandale en s'attachant à faire répéter "I am, I was, I am to come, I was" (pastiche inversé presque blasphématoire de la phrase de la Révélation : "Who was, is, is to come", représentant le bien) à Irène Papas, une actrice, qui ajouta dans son improvisation (qui durait à l'origine près de 40 minutes), des cris orgasmiques, des voix rauques, démentielles, folles, hystériques, une performance incroyable digne du Great Gig in the Sky dans The Dark Side of The Moon.


Difficile de tout dire sur cet album. Vangélis et son talent de composition et sa virtuosité, Demis Roussos et sa voix, leurs deux comparses, bref, ce n'était le hasard, c'était l'aboutissement de ce groupe dans sa forme la plus exacerbée, sur un thème violent et dur, qui le rend donc très rock mais délicieusement cynique voire drôle. Sous le titre 666, on peut lire : "it is a man number", ironie suprême. L'album fut censuré à sa sortie dans certains pays, le groupe se sépara ensuite rapidement après avoir achevé 666 par ce titre prophétique : "Break". Un monument du rock progressif, pas tellement connu mais pourtant essentiel. Alors, au moins, si vous ne connaissez pas Demis Roussos ou que vous avez des préjugés, allez lui rendre un dernier hommage en écoutant cet album, témoin de tout son talent.

Tom_Ab
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le 28 janv. 2015

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Tom_Ab

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