Aujourd'hui c'est session name dropping, on s'attaque au dernier Bütcher ! Petit disclaimer, tout de même, avant de commencer : malgré son titre, "666 Goats Carry My Chariot" n'officie pas dans cet infâme Black Metal "chevresque" illustrement représenté par divers groupes aux noms équivoques comme Goat Phallus, Goat Vulva, Goat Anus, Goat Sperm ou encore - soyons fous et autorisons nous un synonyme - Goat Semen. Non, Bütcher joue du thrash. Un thrash nostalgique, hautement référencé et particulièrement influencé par la scène underground proto-black fin 80s.
A ce titre, le style de Bütcher peut en partie être défini par ses références, qu'il revendique ouvertement. Avec un morceau comme "Metallström / Face the Bütcher", il n'y a aucune entourloupe, la filiation avec Slayer, période Show no Mercy, est évidente et apparaît clairement avant même l'écoute. De cette référence en découle naturellement une autre, celle à Judas Priest, qu'on retrouvera explicitement à travers le "Faster than a laser bullet" de "45 RPM". L'hommage est donc avant tout 80s mais ne se résume pas aux mastodontes du genre, loin de là même, puisque c'est plutôt l'underground, aujourd'hui devenu culte, qui est ici célébré. En vrac on peut citer : Manilla Road sur "Inauguration of Steele" ; Motörhead et Agent Steel sur "Iron Bitch" ; Slayer, cette fois période Reign in Blood, mais aussi Darkthrone, sur "Sentinel of Dethe" ; Bathory sur le morceau titre ; Celtic Frost, et peut être Inquistion, sur Viking Funeral... De manière générale on peut aussi retrouver la trace de Sodom période In the Sign of Evil, celle de Sarcofago ou même de Bulldozer. Dans l'esprit l'album me fait d'ailleurs pas mal penser à The Day of Wrath, à ceci près que 666 Goats est un disque de qualité.
Là où 666 Goats se démarque de l'album de revival moyen c'est d'abord par le nombre de références brassées. Si Eternal Champion, par exemple, se focalise sur Manowar et Manilla Road, Bütcher empile groupes après groupes, le résultat ne tient donc pas tant de l'hommage que du jeu de piste musical, finalement assez fun. La démarche me semble d'ailleurs plus proche de celle d'un Kvelertak, qui fait du neuf avec du vieux, plutôt que d'un Orchid qui se perd entre adoration et resucée. Bütcher emprunte, il cite même, mais il détourne et marie tout autant : ces influs sont d'abord digérées puis régurgitées dans un album à mi chemin entre greatest hits et parodie. Au delà de la compo, un autre indice de ça peut se trouver dans le son. La production émule intelligemment celle de l'époque mais reste moderne malgré tout. Elle est claire, puissante et lisible là où Smoulder, par exemple, cherche à recréer le son des 80s jusque dans ses défauts... défauts qui étaient plus souvent dus à un manque de budget qu'à un réel choix artistique.
666 Goats est un album pour amoureux du Metal Old School, de cette courte période de transition entre un Heavy traditionnel et ce qui deviendra plus tard l'extrême, mais ce n'est pas un album redondant. Parce que Bütcher propose plus que du simple fanservice, parce qu'il propose plus qu'un hommage aux airs de pales copie. Le groupe est capable de faire preuve de recul, d'humour, d'ironie, aussi, et bien sûr de respect, lorsqu'il s'agit de ses idoles, mais ne tombe jamais dans la révérence aveugle.