Bievenue en Californie, le 31 octobre 1963... Euh, ce serait pas un vampire là ?

Je me décide enfin à parler surf music sur senscritique, alors autant que j'attaque tout de suite ce qui, avec le recul, est l'un des magnum opus du genre entier à tout plein de niveaux.


La surf music, c'était déjà mort en 1964, après une paire d'années de gloire où le style rivalisait commercialement avec le Motown avant de s'écrouler face au raz-de-marée britannique mené par les Beatles. Mais un endroit où elle n'est jamais morte, c'est là où elle est née : la Californie, et plus précisément, la région de LA. J'y ai moi même passé du temps avec des locaux, et il suffit de se pointer sur les nombreuses plages de l'endroit pour y entendre de la surf music elle même, mais aussi le son de la plage lui-même, qui donne une toute autre dimension à l'écoute postérieure d'un album de Dick Dale. La surf music, c'est comme ça que la Californie sonne. Pour de vrai (c'est l'expérience la plus mystique de ma vie, sans dec.)

Mais pour le reste du monde... Bah la surf c'était plus vraiment ça. Même un de ses représentants les plus visibles, les Beach Boys, l'avait abandonnée depuis longtemps, préférant nous pondre des Kokomo plutôt que de nous jouer des Misirlou, pendant que Dick Dale sombrait dans la misère après avoir été millionaire...

Et puis là, y'a Pulp Fiction qui débarque. On a Dick Dale qui ouvre le film, les Lively Ones qui le ferment, on entend les Centurians et Link Wray dans le film, les Beach Boys sont mis de côté pour se concentrer sur l'instrumental, le vrai son de LA, celui d'Orange County et Huntington Beach et du canyon de Topanga, celui qui fait exploser les amplis et se noie dans la spring reverb. Et soudainement, le monde redécouvre la surf music, après trente ans de disette. Dick Dale revient avec ses albums les plus solides, plein de groupes se reforment, mais surtout, plein de groupes se forment.


Et là, les Ghastly Ones débarquent.

Les Ghastly Ones, ce sont quatre musiciens et une danceuse qui sont de purs natifs californiens. Ils sont nés et ont grandis là bas, obsédés par les Ventures et grattant déjà dans les coins les plus obscurs du style, préférant les perles cachées comme Fender IV, les Avengers VI ou Eddie Bertrand aux standards doux des Challengers ou des Surfaris. Ils ne connaissent pas le style : ils le vivent au quotidien.

Mais c'est pas juste ça. Ce sont aussi des monster kids. Une sous-culture méconnue née en même temps que la surf music, à laquelle beaucoup de one shots et d'albums d'époque seront consacrés. Et les Ghastly sont tellement imprégnés de ça, que plusieurs d'entre eux ont poussé le vice jusqu'à être spécialistes en FX à Hollywood, vivant de la création de monstre en latex pour le cinéma et la TV (vrai truc, Garrett Immel, le guitariste, a par exemple été l'un des maquilleurs principaux sur The Walking Dead pendant plusieurs saisons !).


Dans ce contexte où la surf music explose et où de toutes nouvelles générations de musiciens dans le monde entier la ressucitent, les natifs de Van Nuys décident de participer en apportant leur propre obssessions à la musique avec laquelle ils ont grandit. Le spooky surf nait. Inspiré du surf classique des Lively Ones et de Avengers VI, des monster movies (allant de la Universal classique aux films de Luchadores mexicains) et de la théatralité d'un Screaming Lord Sutch, le groupe se transforme en fossoyeurs et embauche la danseuse de go-go classique Necrobella pour ajouter à leur show scénique à base de tombes et de toiles d'araignées.


Le mélange est parfait.

Rob Zombie les remarquent et propose de produire leur premier album.

Et le résultat, c'est ce A-Haunting We Will Go-Go.


La musique des Ghastly Ones, c'est quelque chose de profondément authentique par des passionnés qui comprennent parfaitement ce qu'ils font. Les Ghastly ne sont pas juste un groupe de revival : c'est un groupe de surf, la vraie, celle qui n'est jamais morte et qui a toujours arpenté les plages de Malibu, The Wedge et Huntington... Mais qui préfère se balader au cimetière d'Hollywood Forever plutôt qu'Hollywood Boulevard.

La musique des Ghastly prend la forme du surf instrumental le plus pur possible, en se focalisant sur sa forme instrumentale, son côté rapide et sauvage. On pense évidemment énormément à Dick Dale, mais avec le son beaucoup plus lourd d'un Fender IV et d'un Centurians (Hollywood Nocture et sa basse épaisse, Surfin' Spooks) ; un seule guitare qui prend toute la place avec une énorme dose de spring reverb mais le volume poussé à fond, ce qui donne cette saturation subtile chère à Dick Dale, aidé par le fait que Garrett Immel, le guitariste, n'utilise que du matériel d'époque (tank fender, fender bassman et une Mosrite Ventures... et c'est tout.) On pense énormément à Eddie & The Showmen aussi dans les parties les plus rapides (The Ghastly Stomp, Hangman Hangten), beaucoup aux Lively Ones évidemment (et c'est revendiqué), mais le tout passé dans une moulinette d'ambiance Halloweenesque, annoncée dès le début avec le titre Ghastly Stomp qui n'est autre qu'une reprise surf de la musique de la Maison Hantée de Disneyland !

Mais beaucoup plus que le surf authentique, The Ghastly Ones piochent et maîtrisent tout le spectre du rock instrumental et le prouvent. Le jeu de Immel est très très proche de celui de Nokie Edwards et sonne comme du Ventures survitaminé, quelque part entre le Surfing et le In Space du combo, usant de tous les effets possible de faire avec juste une guitare et un tank reverb (The Ghastly Stomp, Haulin' Hearse). On a ça et là des passages plus fuzz qui renvoient à Davie Allan (Deadbeat), des hommages appuyés à un son plus européen typé Shadows (Lonesome Undertaker, qui sonne comme une version Halloween d'Apache), et même l'influence latine de la surf music est appuyée notamment sur Los Campiones Del Justicio, dont le titre et l'intro font référence directe aux films de Luchadores et dont la musique remplace le surf beat traditionnel par un rythme latin et une guitare bien plus proche de la mélodie mariachi que de Dick Dale.

Et chose rare, même les percées du groupe dans le vocal fonctionnent, grâce à un parti pris ultra théatral entre Screaming Lord Sutch et les disques pour monster kids façon The Deadly Ones ou Frankie Stein, et plutôt qu'une tentative de Beatleserie, on a là une version surf des Contes de la Crypte avec le même humour grinçant et désuet (Spookmaster, Everybody's Doin' The Ghastly Stomp).


Entre leur style désuet, leur humour et leur côté faussement cheap, c'est facile de prendre les Ghastly Ones pour un groupe à gimmick et ils sont d'ailleurs plus connu comme le groupe qui est dans les épisodes d'Halloween de Bob l'Eponge (oui) que comme des monstres du surf. Et pourtant ! L'annonce de leur retour pour quelques festivals en 2024 a été l'une des plus grosses bombes de la scène surf, car bien au delà de leur gimmick spooky et de leur hauts-de-forme, les Ghastly sont un graal de la surf music pour celui qui la connaît, un groupe qui l'aime, la connait parfaitement et l'a vécue. A-Haunting We Will Go-Go, c'est pas juste un disque rigolo à mettre en fond à Halloween, c'est une immense lettre d'amour à un style qui refuse de mourir parce qu'il est trop cool pour ça.

Tu veux un bout de Californie ? Ecoute Dick Dale. Tu veux la Californie à Halloween ? Ecoute les Ghastly Ones. Limite tu vas les préférer.


Un des disques ultimes de surf music. Point. Peu de groupes sont encore aussi authentiques, peut être les Eliminators ou les Scimitars actuellement, mais aucun n'arrive au niveau de qualité des Ghastly Ones. Si vous devez entendre qu'un seul album de surf, c'est celui là (après Misirlou, faut pas déconner quand même).

MonsieurHache
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le 20 août 2024

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