Merci Andrew Wood
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le 10 oct. 2017
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Tout le monde connaît Kurt Cobain (et Nirvana), moins de monde connaît Pearl Jam (et Eddie Vedder) et il en va de même pour les géniaux "Alice in Chains" et "Soundgarden" (dont les divins chanteurs sont désormais au paradis). Cependant, je peux affirmer sans trop exagérer que les personnes qui connaissent Andrew Wood (et "Mother Love Bone") sont quasiment inexistantes. La raison est simple : "Mother Love Bone" n'a pas eu le temps de décoller...il fût un groupe pionnier du grunge fauché dans son élan par un véritable fléau qui ne cesserait de détruire les grandes figures du grunge à petit feu...l'héroïne.
Son leader charismatique "Andrew Wood" était une figure adulée et respectée...grand ami et colocataire du non moins divin Chris Cornell (parti le rejoindre depuis...) il avait un look d'enfer (légèrement androgyne mais pas trop) et une présence scénique incroyable (il paraît). La voix du jeune prodige (mort brutalement à 24 ans) évoque d'autres grands chanteurs de la scène rock (de Robert Plant à Vince Neil en passant par Steven Tyler) mais sans leur ressembler pour autant...ses intonations tour à tour aiguës et nasillardes avaient une saveur et un cachet uniques.
Musicalement, "Mother Love Bone" est un groupe hautement original et à part dans l'histoire du rock mais pour le comprendre il faut avoir une certaine culture en la matière et comprendre qu'ils se situent à un moment charnière dans l'évolution de cette musique. 1990 c'est la date à laquelle sort le fameux "Apple" (à titre posthume...Wood ayant rendu l'âme quelques temps avant) et c'est aussi le moment où le glam metal (le heavy metal tout court d'ailleurs) commence petit à petit à battre en brèche...le grunge de la scène de Seattle en est à ses balbutiements et menace d'exploser à la face du monde à tout moment (le détonateur officiel étant le "Nevermind" de vous savez qui un an plus tard). Ainsi, "Apple" est un album qui synthétise deux tendances à priori antagonistes qui n'ont rien à faire ensemble : le grunge (avec un son de guitare sale, souvent saturé et parfois poisseux) et le glam metal (avec des refrains pop et des chœurs évoquant un aspect "fun" et "stadium" propre au glam digne de Motley Crüe ou Def Leppard) ... ce qui est très curieux quand on sait que le grunge a été accusé d'avoir mis à mort le heavy metal traditionnel des années 80 dont l'aspect démonstratif commençait à lasser légèrement.
Dès l'entame du disque nous sommes pris à la gorge par un riff de guitare aérien du plus bel effet d'un Stone Gossard (futur guitariste de "Pearl Jam") qui signe déjà un des meilleurs titres de sa (riche) carrière...c'est puissant, dynamique et enthousiasmant...la mélodie est singulière et la voix de Wood vient se poser au milieu d'une section rythmique imparable. "This is Shangrila" est un des sommets du disque qui en contient un bon paquet : "Stardog Champion" improbable dans sa construction, sa progression, son atmosphère et ses chœurs enfantins en fin de morceau fait la part belle à un grunge hybride et fantasque...un ovni. Des titres tels que "Holly Roller" ou encore "Stargazer" sont de véritables morceaux de bravoure qui ont les atouts nécessaires pour plaire aux fans de "Pearl Jam" comme aux fans de "Motley Crüe" (fait unique et improbable) : la lourdeur et la crasse du grunge font corps avec le fun et l'énergie communicative du Glam des années 80. L'un des sommets incontestables du disque reste ce fabuleux "Man of Golden Words" : épuré, soutenu par le chant écorché et hanté de Wood avec une mélodie simple mais infiniment touchante au piano...on assiste ici à un véritable moment d'éternité lorsque l'on écoute ça. Tout au long du disque "Mother Love Bone" prouve par A+B qu'avoir la classe ça ne s'apprend pas...et surtout qu'il ne faut pas forcément en faire beaucoup pour l'avoir...
Dommage que deux ou trois titres de remplissages ne parviennent pas à retenir l'attention au même titre que le reste du disque...l'album échappe de peu à la perfection mais a de quoi laisser une emprunte (au moins légère) dans l'histoire du rock. Même si les survivants du groupe sortiront "Ten" sous le nom de Pearl Jam (avec un certain Eddie Vedder) un an plus tard ainsi que l'extraordinaire album "Temple of the Dog" (en hommage à Wood et inspiré des paroles de "Man of Golden Worlds") et que ces deux albums légendaires suffisent à éclipser cet album (en principe) il ne mérite pas pour autant de disparaître des mémoires et peut sans aucun doute figurer parmi les œuvres notables du rock du début des années 90.
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le 29 mai 2023
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