Armitage Road par Hypognosis
L'Afrique du Sud est un sacré metling-pot : cohabitation du présent et du passé, diversité ethno-culturelle et géographique, richesse historique et misère socio-économique.
Le classique de jazz sud africain Armitage Road, sorti en 1971, a l'ambitieuse volonté de créer les connexions entre ces contradictions nationales. L'observation de la pochette du disque nous permet de deviner une partie du contenu de l'oeuvre : quoi de plus explicite que la comparaison entre ce cliché et l'inoubliable photo des Beatles traversant la chaussée ? Dès lors, on se rend compte du fossé abyssal séparant le monde d'Armitage Road et celui d'Abbey Road. Le pas mollasse des musiciens sud africains (comptant parmi eux un malade de la polio se déplaçant dans un fauteuil roulant de fortune) et l'allure angélique des icônes anglo-saxonnes montre bien le décalage entre l'Afrique du Sud et l'Occident.
"Vous voyez, la nation Sud Africaine est là, elle s'accroche à l'évolution culturelle sans se déraciner !"
Criant la révolte, le Heshoo Beshoo Group réalisa la galette en s'inspirant d'influences américaines et sud africaines. Une synthèse de bop et de jazz sud africain dansant. En pleine période d'Apartheid, Armitage Road rencontra un franc succès populaire et s'inscrivit dans la tradition du "struggle for jazz - jazz for the struggle".
Je conseille l'écoute de ce disque à n'importe quel mélomane, sensible aux musiques du monde et aux œuvres à deux niveaux de lecture ; une accessibilité déconcertante et une composition musicale sulfureuse. Le titre Emakhaya en est le meilleur exemple.