Crowded With Loneliness, ce disque sorti en 1969 par le Full Moon Ensemble, est une véritable pépite perdue dans l'univers sombre du free jazz français.

Véritable projet subversif, la création d'une formation de free jazz, en 1969, en France, permettait de répondre à un certain besoin de fraîcheur, et à la nécessité d'une liberté de ton totale, dont les évènements de mai 1968 semblait en être les manifestations. Malheureusement, le Full Moon Ensemble n'échappa pas à son destin : souffrant probablement du poids du patronage des artistes américains, dont le free jazz français s'émancipait difficilement, le projet animé par ces sept rêveurs finit par tomber dans l'oubli. Quatre décennies plus tard, il nous reste cet album unique, mal aisé à se procurer, mais qui témoigne d'une époque riche et glorieuse.

Loin d'être un fana du genre, j'ai pourtant été retourné par cette demi-heure d'envolée musicale, organisée par une formation solide qui sut mettre en avant la psalmodie de la douce Sarah. S'écartant difficilement d'une même note constante, les paroles presque religieuses, louant le jazz et attestant sa gloire, sont en réalité issues d'un recueil de poème, "Solitudes, Crowded With Loneliness" de Bob Kaufman, à qui l'album est dédié. (Poète contemporain, Kaufman est un métis juif et afro-américain qui consacra sa plume à l'élaboration de textes décrivant le milieu du jazz, et rendant hommage à de nombreux musiciens).

L'énergie franche dégagée par ces déclamations se retrouve soutenue par les improvisations successives des différents membres du groupe. Bien que le free jazz m'inspire trop souvent bruitisme et cacophonie, nous en sommes ici très loin. C'est plutôt une impression globale de densité profonde qui se dégage au fur et à mesure des écoutes, qui semble persister et qui procure à l’œuvre un intérêt pérenne. Mon morceau favori reste le délicieux Samba Miaou, qui n’a pourtant rien de brésilien, mais dont la mélodie menée par la guitare et enrichie par la flûte me berça de longues minutes.

Crowded With Loneliness m’a encore une fois prouvé que la production musicale française regorge de bijoux, malheureusement enfouis dans les années qui nous séparent. J’ai hâte de m’intéresser à l’album du Full Moon Ensemble réalisé en live avec le saxophoniste américain Archie Shepp.

PS : Merci à l'excellent blog Hanimex3000, encore en activité, d'avoir promu cette merveille.
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le 1 mai 2014

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