Ombres portées
Violoncelliste canadienne de renom, ces dernières années ont vu Julia Kent multiplier les collaborations. Au sein notamment d'Antony & the Johnsons, Rasputina et Parallel 41, ou plus récemment,...
le 28 oct. 2015
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Violoncelliste canadienne de renom, ces dernières années ont vu Julia Kent multiplier les collaborations. Au sein notamment d'Antony & the Johnsons, Rasputina et Parallel 41, ou plus récemment, aux côtés de Teho Teardo et des Swans, quand elle ne composait pas pour le théâtre, la danse ou le cinéma. À ce curriculum déjà bien fourni s’ajoutent ses travaux solo, qui ont indéniablement pris leur envol avec Character, troisième album sorti il y a maintenant près de 3 ans. Une œuvre d'une beauté rare, qui laissait beaucoup espérer pour la suite. Alors que l'attente de son quatrième opus se faisait sévèrement sentir ces derniers mois, Asperities arrive enfin chez Leaf et il est inutile de vous cacher que ce dernier dépasse toutes nos espérances.
Si Character inspectait les différentes personnalités d'un être comme autant de pièces à part entière, Asperities puise son inspiration dans les discordes. Des conflits intérieurs, localisés ou à plus vaste échelle, des frictions d'humains et des séismes d’égos, causés par la présence d’aspérité au sein de faille relationnelle. Une atmosphère inévitablement sombre, nourrie également par l’actualité chargée de ces dernières années, et qui surprend lors des premières écoutes.
Les nuages chargés d’inquiétude et d'électricité qui obscurcissent la majorité d'Asperities peinent ainsi à se dissiper. Repoussant toute éclaircie, ils s’immiscent entre les cordes du violoncelle, les lestent de tristesse et de tension accumulées, et imprègnent les boucles des troubles qu’ils charrient ici-bas. Des tumultes qu'ils propagent rapidement jusqu’aux compositions mêmes, les tourbillons d’alors retentissant tels des agressions, lorsque l’archet assène avec urgence ses coups d’estoc pour se défendre à son tour.
Une tension fortement appuyée par un recours à l’électronique plus marqué que par le passé. Outre ces nuages qui surplombent le disque, certains titres baignent dans un magma électrique, dont les morsures semblent progressivement ronger les compositions acoustiques. Des aspérités que la violoncelliste a préféré ne pas lisser et qui envahissent notamment les terrassants Terrain et Empty States, cœur ébène de l’œuvre. Un cœur aussi mécanique, qui insuffle une énergie oppressante et belliqueuse sur ce champ de bataille dévasté. On tente alors vainement de garder la tête hors de l’eau, alors que tout est submergé.
La pression ne chutera qu’ensuite, après le passage de la tornade. Lorsque l’on cherche sous les décombres, les yeux lourds, sous le poids du deuil. Les deux titres finaux offrent à mon sens une mesure d’espoir, une certaine ouverture. Déchargés de la noirceur initiale et invitant au voyage, ils prennent peu à peu de l’altitude, gagnent les lieux où souffle la tramontane et où l’esprit s’abandonne pleinement sous les tourbillonnements du vent.
Julia Kent livre une nouvelle fois l’une des plus belles sorties de cette année dans ce registre. Asperities est un album obsédant, la pièce maîtresse d’une artiste qui ne s'essouffle nullement dans son ascension.
http://www.swqw.fr/chroniques/experimental-modern-classical/julia-kent-asperities.html
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Créée
le 28 oct. 2015
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