Le Masque de la Mort noire
On était sans nouvelle d'Evoken depuis la sortie de leur split avec Beneath the frozen Soil en 2010.
Pas tellement de changement pour eux, si ce n'est le label -mais c'est habituel- qui est ici l'excellent Profound Lore records.
Vu tout le bien que je pensais des deux derniers albums, à savoir "A Caress of the Void" et surtout "Antithesis of Light", il va sans dire que j'attendais cet "Atra Mors" avec impatience.
Je peux déjà affirmer que mes attentes ont été plus que comblées, la qualité du disque allant bien au-delà de mes espérances.
Premièrement, la pochette est superbe: un beau digipack illustré par le norvégien Robert Høyem qui a travaillé sur le dernier Kampfar, "Mare", le dernier Monolithe qui doit sortir le mois prochain, avec Remembrance et Reverend Bizarre entre autres. Rien qu'à contempler ce travail, on rentre déjà un peu dans l'ambiance.
On remarque peu de remaniements dans le line-up: le départ de Craig Pillard et l'arrivée d'un claviériste à plein temps du nom de Don Zaros ; Nick Orlando ne participe plus aux albums mais fait toujours partie du groupe.
Ce changement s'avère à mon avis déterminant, en ce que les claviers y gagnent en autonomie par rapport aux lignes de guitares en sortant davantage de leur créneau de "fond sonore glauque" comme c'était le cas par exemple sur "Antithesis". Don Zaros joue des lignes plus mélodiques, dans des registres variant de l'aérien au sinistre avec des colorations rappelant parfois Vangelis.
La production est assurée à nouveau par Steve DeAcutis, qui avait remplacé Ron Thal sur le précédent.
Le rendu est parfait, à la fois plus vivant -si l'on peut dire...- et plus puissant, avec toujours cette réverbération finement dosée qui donne cette profondeur à la musique et l'impression de flotter dans l'Au-delà.
Musicalement, Evoken n'a pas changé de style, c'est toujours du doom funéraire avec quelques touches death. Mais les riffs sont encore plus prenants que sur les précédents albums. Comme ça a été dit à plusieurs reprises, le défi du funéraire c'est bien de trouver les bonnes notes pour ne pas ennuyer l'auditoire pendant les 10 et quelques minutes de chaque morceau.
Les américains d'Evoken ont toujours été particulièrement doués pour faire durer leurs titres sur deux ou trois thèmes suffisamment intéressants pour y parvenir. Force est d'admettre qu'ils y arrivent encore aujourd'hui.
Ne serait-ce que le premier titre, éponyme de l'album, qui m'a mis par terre dès les premières écoutes: une intro en fade in interminable, arrivée de la batterie sur une rythmique lourde et lancinante, des guitares accordées plus bas que terre puis du guttural profond et sépulcral de John Paradiso ; brutalement, un peu avant la 6ème minute, une "accélération" sur un arpège aussi simple qu'efficace, un upper-cut qui prend au dépourvu et met au tapis ; le morceau finit avec le clavier prenant le pas sur les guitares, mixage parfait.
Le deuxième morceau est également grandiose, guitare en son clair, voix parlée et violoncelle alternant avec de courtes phases plus brutales, le tout articulé autour d'un thème central envoûtant au possible. Angoissant, irréel, ultime.
On remarque deux interludes instrumentaux de 2 minutes: "A tenebrous Vision" au piano, sombre et torturé, et "Requies Aeterna" plus mélancolique avec guitare sèche et piano, une singularité dans la discographie d'Evoken.
J'ai beau être un fan absolu de ce groupe, rien ne m'avait préparé à me prendre une telle claque. Evoken signe à mes yeux son œuvre la plus aboutie, à tous les niveaux.
Une raison de plus de creuser le genre doom funéraire, qui malgré son apparent immobilisme et faible marge d'évolution propose encore de belles choses.
Une des meilleures sorties metal extrême de 2012, à coup sûr.