Pharmakon n'est pas une sinécure à écouter, c'est une expérience à vivre et à ressentir. Après un premier album, Abandon, déjà bien barré, ce nouvel album ne va pas rendre l'écoute plus facile pour ceux qui aiment la musique traditionnelle même un poil torturée histoire de ne pas faire comme les autres. Bestial Burden ne répond pas au cahier des charges habituel des albums à la mode hipster ou neo-industriel, cet album retrace une période difficile de son auteur, Margaret Chardiet, qui a eu de sérieux problèmes de santé après la sortie de son premier album l'empêchant d'aller en tournée. Cette expérience lui a servi de base pour cet album, que peut-on faire lorsque son corps ne nous réponds pas si ce n'est en essayant de nous tuer à petit feu?
Le résultat est viscéral et particulièrement difficile à appréhender si on ne comprend pas ce sentiment de rage intérieur qui nous amène à lutter contre un ennemi invisible que l'on connait pourtant parfaitement, soi-même! Ce Bestial Burden est une bête farouche et surtout déterminée, sans être aussi machinal que Sacred Bones, il s'évertue à nous pourchasser de sa rage et de sa haine tout au long de l'album, à l'instar de sa jaquette, cet album nous prend aux tripes et il laisse planer un sentiment de malaise palpable. Si de prime abord, on pense que Pharmakon veut nous faire ressentir toute sa détresse et sa lutte, on se rend vite compte que ce n'est pas forcément le cas.
En fait, il nous place tout simplement devant des paysages sonores distordant et alambiqués, il nous renvoi à une certaine bestialité qui exacerbe notre instinct de survie grâce à certains passages de panique comme le premier titre de l'album, Vacuum. Avec Primitive Struggle, on lutte contre nos propres organes en essayant d'expulser ce qui nous ronge de l'intérieur via notre toux et le vomi. Cette lutte primaire dure 2 minutes avant que parvienne, difficilement, à respirer normalement à nouveau.
Pharmakon parvient à nous rendre non seulement spectateur de cette accablante lutte mais aussi acteur. Lors de mes premières écoutes, j'ai eu beaucoup de mal à ne pas stopper l'écoute d'un ou deux titres à cause du sentiment d'oppression et d'impuissante qui n'animait. Son but est atteint, elle nous place dans sa situation et nous fait nous poser les bonnes questions dans notre rapport avec notre corps mais aussi avec notre esprit. Loin de se sentir nous aussi malades, on est fasciné par ce que Margaret Chardiet est parvenue à faire avec cet album. Au final, on en ressort nous aussi épuisés mais heureux que l'issue soit favorable pour son combat.
Difficile de recommander cet album tant il peut être rebutant même après de nombreuses écoutes. Pharmakon est un projet unique et bestial qui ne fait pas de quartier lorsqu'il s'agit de faire passer des émotions et des sensations à l'auditeur. Que ce soit dans le fond et la forme, ce Bestial Burden est une pure réussite qui s'apprécie autant qu'il se fait détester. Si vous vous sentez mal à l'aise uniquement en regardant la jaquette de l'album, le mal est déjà fait et il fortement conseillé de passer son chemin, pour les autres en revanche, c'est une aventure qui ne les laissera pas indemnes.