C'mon Tigre
7.3
C'mon Tigre

Album de C'mon Tigre (2014)

Il y a des disques qui vous tombent comme ça sur le coin de la gueule et qui vous font perdre toute notion d’espace-temps et toute objectivité.


Le premier album de C’Mon Tigre est incontestablement de ceux-là et il mérite largement son pesant d’écoute avant de pénétrer les arcanes ensorcelantes de sa rythmique.
Ses secrets invitent à l’envoûtement même. La magie africaine est partout présente, maîtrisée par un collectif rameuté à l’initiative d’un duo qui se plait à entretenir le mystère sur sa propre identité.
Chez eux, pas de notion d’origine : chaque musicien a été recruté pendant plus de deux ans pour enregistrer à travers le monde.
Encore moins d’égos démesurés, dans le style snobinard, genre "se tirer la couverture à soi",
Non rien de tout cela puisqu'on n’y représente personne, si ce n’est une âme, un esprit d'équipe chamanique.
Un cahier des charges qui fait souffler un fort vent de liberté jusque sur la longueur d’un premier opus déconcertant de diversité. J'ai dit déconcertant pourtant il va chercher sa cohérence et son homogénéité dans le talent de chacun des intervenants.


Durant ces treize titres, tous laissent transpirer une osmose, une complicité, et une émulation mutuelle qui démultiplient l’inspiration, avec un naturel qui ajoute encore plus de spontanéité à l’œuvre.
Le mot est lâché, et prend tout son sens : je commence à arpenter des terres musicales, entre Est et Ouest de l’Afrique.
Une oscillation perpétuelle, à pratiquer avec agilité, pour ne pas tomber sous le coup des assauts répétés de folk, de jazz, de funk, de pop, et de musique traditionnelle, placés dans un écrin psychédélique, et menés à la baguette par une rythmique conciliante.
Les griffes de blues m'hypnotisent, étouffent et colorent le premier titre ‘Rabat’. Il sonne ainsi le départ d’un périple mémorable qui, ici ou là, dans ses plus beaux horizons, ne manque pas de rappeler les expérimentations d’Amon Düül, le downtempo intime et chaleureux de Shawn Lee (‘Fan For a Twenty Yeas Old Human Being’) ou, par la voix, de faire tomber Gonjasufi de son piedestal (‘A World Of Wonder’, ‘December’).


Tout ceci ne vous dit rien ? À moi non plus d’ailleurs (ou presque). Ce disque est le plus surprenant que j'ai écouté en cette fin d'année.
Quand je pense que la presse s'extasie pour d'autres faux anonymes Versaillais, au point de passer à côté de ce duo émulateur.
Ici place à la musique, à l’aspiration d’imaginer autre chose : nous avons à faire à un concentré d’images sur lequel plane une odeur de bon libanais.
Il est quelques morceaux, telles ces cartes postales un peu cornées et passées par le temps, qui incarnent toutes les promesses dites ici par C’Mon Tigre : parmi eux, ‘Fédération Tunisienne de Football’, premier single au funk électrique ensorcelant et cuivré, ‘A World Of Wonder’ et son free jazz plongeant peu à peu dans un drone chamanique, ‘Welcome Back Monkeys’ aux riffs de guitare piqués au blues malien, ou le final Malta (The Bird And The Bear)’ qui vous laisse à quai, sous une brise où il fait bon vivre, quelque part entre les pays de l’Est et le Moyen Orient.
Et ‘The more it will change, the more it will grow‘ nous revient constamment à l’esprit au fur et à mesure que se dévoile ce premier album.
C'mon Le Tigre, libre, imprévisible et sauvage par définition, nous rappelle indirectement une série d’instantanés, et donc de souvenirs.
Porté par la paix et la sérénité de celui qui vit le moment présent, ce disque aux multiples témoignages s’impose de lui-même par sa profondeur et sa richesse, avant un prochain dépaysement qui donne déjà des fourmis dans les rêves.

Ramblinrose
10
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le 28 nov. 2014

Critique lue 365 fois

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Ramblinrose

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