"Alors je me transforme, je fais le …" : Caméléon selon B.A.M.

Qui a dit que nous n’avions pas de bons albums d’électro-pop en France, alliant efficacité et succès commercial ? Shy’m a tout du moins l’ambition de nous prouver le contraire à travers son Caméléon ; le sien mais aussi celui de ses producteurs Cyril Kamar alias K. Maro et Louis Côté qui l’accompagnent depuis ses débuts. Le jeu n’était toutefois pas gagné d’avance car son précédent album, Prendre l’air publié deux ans plus tôt en 2010, montrait certes la volonté de la belle brune de se tourner davantage vers la Pop mais comportait quelques faiblesses dans la manière dont certains titres étaient produits, notamment chez les non-singles (voir mon commentaire sur Prendre l’air). Il faut donc afficher une volonté inédite de se renouveler, de faire peau neuve. Quoi de mieux pour cela que de choisir une imagerie colorée qui ne se prend pas au sérieux, et comme nom d’album Caméléon…

Le lead-single ne pouvait donc qu’être ambitieux, ce qui est le cas de « Et alors! » avec son ton autant festif que décalé voire déluré, un ton mis en scène dans le clip. Shy’m annonce apprécier l’atypique et entend se démarquer d’autres artistes en s’appuyant sur sa musique ainsi que sur son look (le fameux « bustier Franck Sorbier » auquel elle fait référence). Une chanson très relayée en télévision et radio au printemps 2012, l’un des plus gros succès de Shy’m. Mais la musique festive peut également se conjuguer à des paroles sérieuses, comme nous le prouve « Et si ». Ce troisième single a beau être rythmé, le texte plus solennel aborde le désir de connaître l’avenir afin d’amoindrir la crainte du temps qui passe, tandis que dans le clip « Tamara Marthe » – le vrai nom de Shy’m – est décédée.

Deuxième single extrait de l’album mais placé en troisième piste du CD, « On se fout de nous » évoque également le temps qui passe mais à travers ses effets sur un couple au sein duquel la distance et une morne routine se sont installées. Ces deux morceaux mêlent bien la musique électronique et piano tandis que la piste suivante, « #ShimiSoldiers », est davantage électro-dance. Il s’agit pour l’artiste de déclarer qu’elle est reconnaissante envers ses admirateurs, plus particulièrement ceux de la première heure. L’électro reste de mise (tirant même sur le dubstep) dans « Contrôle » où la chanteuse fait part de son côté lunatique, ses humeurs tranchées qui peuvent prendre le pas sur son libre-arbitre. Le fond sonore illustre lui aussi ces contrastes, entre les couplets assez calmes et les refrains énervés.

Après ces sonorités auxquelles Shy’m avait peu habitué ses auditeurs jusque-là, « Caméléon » lui permet de confirmer par ses mots plus que par sa musique son désir de se renouveler, de « s’adapter », de « faire peu neuve » comme elle le dit. Certes ce morceau fait partie des plus lents de l’album, mais la vraie ballade se trouve être la piste suivante intitulée « Comme un oiseau » où la chanteuse revendique son désir de se sentir libre et de profiter de sa vie.Le côté émouvant à la limite du poussif est ensuite occulté par les dernières pistes de l’album qui sont davantage taillées pour le dancefloor, à l’image de « En plein cœur ». Ici ce ne sont pas les paroles qui sont à retenir mais bien la musique, une électro-pop énergique aux accents 80’s qui me plaît bien.

Entre couplets assez calmes et refrains électro rythmés, Shy’m rêve dans « Black Marilyn » devenir une Marilyn Monroe française à la peau mate. « Elle » propose ensuite une réelle atmosphère de discothèque, à la fois dansante et suave – ressenti accentué par le saxophone. Atmosphère aussi justifiée par les paroles qui illustrent un rapprochement sensuel sur la piste de danse. « Sur la route » possède elle aussi un fond sonore électronique dansant mais plus enjoué et davantage taillé pour être interprété en concert. L’occasion pour K. Maro de faire une apparition au côté de sa protégée en chantant avec elle sur la fin. Ajoutée pour l’édition collector de l’album, « Je rêve » permet de clore adéquatement l’album dans un style toujours électro-pop où l’artiste plus sérieuse déclare ne pas vouloir envisager la fin de sa carrière ou que celle-ci puisse décliner.

Ainsi, avec Caméléon, Shy’m va au bout de sa transformation précédemment engagée, à travers un univers cette fois plutôt homogène, dansant et coloré. Sur le fond, l’artiste parle davantage d’elle-même, que ce soit à propos de sa personnalité atypique ou de sa vie de chanteuse à succès. Sur la forme, Shy’m a ici opté pour des sonorités électro-pop tout à fait dans leur époque, à l’image des albums Femme Fatale de Britney Spears ou encore MDNA de Madonna. Un choix assez ambitieux pour une artiste francophone, et force est de constater que le pari est réussi puisque Caméléon est très bien produit (de quoi rassurer après un Prendre l’air à la production de qualité inégale) et fut certifié triple disque de Platine pour 300 mille ventes. L’artiste connaîtra ensuite un succès s’amoindrissant, avec des ventes en baisse et une image de star excentrique qui agace certains. La preuve, les notes qu'elle obtient sur SensCritique ne seraient probablement pas aussi moyennes voire basses sinon…