Cenotaph
7.1
Cenotaph

Album de Bass Communion (2011)

Qui ne connaît pas Steven Wilson, alias le monsieur qui est derrière Porcupine Tree, le grand groupe de rock progresif que chacun appréciera ou non. Bass Communion est un side project du monsieur, est peut-être son plus personnel. Très minimaliste, très expérimental, très ambient, on ne saurait faire le rapprochement à moins d'être un fan absolu et de capter les samples que Wilson peut parfois replacer dans d'autres morceaux de certains de ses autres side projects. Pour l'heure, il s'agit de Cenotaph, dernière sortie qui est un peu passée inaperçue chez nous. Neuvième album studio, et autant dire que les trois premiers albums de Bass Communion (I, II et III) sont loin, très loin, et leur ombre plane à peine sur les compositions de ce monument.

Cenotaph c'est avant tout quatre pistes de longueur variable : quasiment dix-huit minutes pour la plus courte et un peu plus de vingt-et-une minutes pour la plus longue. Vous voilà avertis, c'est un pavé, difficilement accessible, et je pense que c'est en réalité son plus gros défaut. Il faut parvenir à rentrer dans l'album et à s'en immerger, ce qui est particulièrement compliqué dans une société où tout doit faire trois minutes ; mais, lecteur, si tu es arrivé ici c'est que tu as le temps de prendre le temps et peut-être d'apprécier cette musique.
« Cathedral », « Carrion », « Cenotaph » et « Conflux » composent donc l'album, et le rapport entre tout cela semble nous échapper au commencement, puisqu'on a l'impression d'entendre la même chose pendant une heure. Après quelques écoutes, on remarque des subtilités. Des sons, des pulsations qui se greffent et au final, les quatre pistes commencent à nous expliquer en quoi elles sont différentes et pourquoi elles se ressemblent. Dans Molotov and Haze, en 2008, Wilson avait carrément supprimé toute la notion de rythme, travaillant la texture du son, les boucles, la durée. Dans « Cathedral », première piste de ce Cenotaph, une longue progression de quelques minutes nous amène jusqu'à l'arrivée d'une pulsation. Le rythme est simple, et il ne s'agit que d'une boucle, qui va donner un souffle au morceau, qui travaille à côté une sorte de ronronnement très abstrait. Parfois, on a la sensation que des choeurs en arrière-plan nous appellent vers le mystique et le sacré. C'est assez incroyable de voir à quel point cette piste offre une expérience sincère : je m'imagine dans une cathédrale, perdue dans une cité moderne, où les pierres et la fraîcheur de l'endroit jurent avec un ensemble d'appareillages contemporains à l'extérieur. Un avion qui passe ? La circulation ? Des images et des sensations s'imbriquent et remplissent peu à peu l'espace. La durée est longue, mais déterminante et assumée car c'est bien elle qui impose l'expérience. Par la suite, « Carrion » travaille davantage ce grésillement, évoquant peut-être une sensation de rongement et de putréfaction, mais la pulsation est devenue un rythme alors que sortant de la cathédrale on est devenu une charogne. Quelques éléments mélodiques viennent parfois se poser, dégageant une certaine tristesse, mais rien de certain. On voyage jusqu'à arriver au « Cenotaph », qui perd alors toute pulsation, seule piste de l'album qui n'en dégage aucune, longues nappes de son, et on pense alors à la pochette de l'album. Froid, solitude, mais malgré tout, la contemplation d'une beauté éternelle. Enfin, le « Conflux », là où tout se rejoint, les grésillements, les pulsations, une sorte de renouveau et de synthèse.
Si à la première écoute on se dit qu'il ne s'est rien passé, on découvre après plusieurs immersions qu'on a bien accompli un voyage, complètement spirituel, et c'est peut-être là que se situe la différence avec les autres Bass Communion. Wilson réalise d'ingénieux travaux sonores, souvent à base d'un simple son qu'il apprécie ou bien qui l'intrigue, et va en faire des boucles jusqu'à ce qu'il devienne une piste entière. Mais ici, plus que jamais, il y a une réelle dimension mystique qui opère en plus des dimensions purement musicales. On imagine une initiation sacrée autour de la mort, traitée à partir de matérieux strictement sonore.

Cenotaph n'est pas à mettre entre toutes les mains, car il est imposant, massif, dense, long, minimaliste, pour résumer : difficilement accessible. Mais une fois imprégné de cette atmosphère a priori electro, ce sont des tonnes d'image qui sont véhiculées, ce sont des sensations qui sont vécues, et on se dit qu'on a pris une leçon sur la vie grâce à de la musique, ou tout du moins quelque chose qui va chercher les frontières de la musique. On ressent la passion de Wilson dans ce travail, comme si Bass Communion était son réel projet et tous les autres, ses plus connus, seulement des side projects. D'ailleurs, il le dit lui-même : « all my projects are labors of love, but this one is the greatest labor of love for me ».
Desolation
8
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le 17 juil. 2013

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