Colours in the Dark par Nolwenn-Allison
Trois ans après un What Lies Beneath, qui ne m'avait pas si déplu que cela malgré un retour à une musique très nightwishienne et quelques mois après l'arrivée d'un heureux événement, Tarja Turunen présente enfin à nos fines oreilles son nouvel album, Colours in the Dark. Si l'ambiant My Winter Storm et son symphonique successeur symbolisent la recherche d'une signature musicale personnelle, cet album semble (attention au cliché) être celui de la maturité. Explication.
Dès le début de l'album, un sentiment étrange nous submerge. L'impression d'être à la fois en terrain connu et d'explorer une nouvelle facette de l'artiste nous prend dès Victim of Ritual. Pas étonnant : le motif de l'intro et des couplets est une reprise de celui du Boléro de Ravel. Reprendre le classique n'est pas étranger à la Finlandaise qui avait déjà fait un clin d'oeil au Requiem de Mozart sur I Walk Alone (My Winter Storm). Le pre-chorus, chanté a capella a un côté très théâtral, qui rappelle les envolées lyriques sur What Lies Beneath... Et pourtant, le fond est beaucoup plus rock sans aller dans l'excès caricatural qui caractérisait les compos plus hards des deux premiers albums de Tarja. 500 Letters est un peu plus accessible, un peu plus formatée single, mais derrière le côté un peu popisant (j'ai bien dit un peu), se dégage une musique plus épurée, plus ambiante. Ces deux premiers titres marquent un tournant dans la musique de Tarja : le changement se fait doucement grâce à des chansons qui marchent et qui ne sont pas tant que cela en rupture avec ce qui a été fait avant et pourtant...
Dès Lucid Dreamer, on comprend que la donne a changé. L'intro et les couplets se font justement plus ambiants, limite atmo, avec toujours ce petit côté angoisse enfantine symbolisé par le motif de la boîte à musique. Le refrain, quant à lui, poutre pas mal, encore une fois sans chichi. Et voilà qu'au bout de 3 minutes, la Finlandaise nous livre un passage assez surprenant, qui fait passer à du The Gathering qui serait parti dans un délire gothico-sympho-expérimental. Pendant deux minutes, on entend un bébé, des "Memoria", un clavier qui sonne un peu vintage... Du jamais entendu chez une artiste que j'apprécie énormément mais que je considérais jusqu'alors comme assez conventionnelle. Autre morceau de bravoure : Darkness, sûrement le morceau le plus sombre de l'album et de toute la discographie de la chanteuse. Le riff est pesant, la voix est faible et donne l'impression de trembler, il y a des passages néo-classique expérimentaux... Ce titre est tout sauf linéaire et peut se révéler déroutant mais au final, qu'est-ce qu'il est jouissif ! Et comment ne pas rester baba devant Deliverance, avec son orchestration complètement éblouissante ?
Les ballades ont également un peu muté, laissant de côté le BABA de ce qui fait une bonne ballade dans le sympho. Une fois de plus, c'est l'ambient, l'atmosphérique qui l'emporte, à l'instar des derniers projets et autres collaborations de Tarja. Mais même s'ils sont d'une toute autre qualité que celles des deux premiers albums, Mystique Voyage et Until Silence ne laissent pas un souvenir impérissable. Noyés au milieu de morceaux d'une toute autre envergure, on les oubliera assez facilement. Le problème, encore et toujours avec Tarja, c'est que ces ballades ne dégagent pas tant que cela d'émotions et cela reste très froid.
Autre petite déception : Never Enough, qui ne m'avait déjà pas tant que cela emballée en concert et qui, à côté de titres faisant preuve d'une admirable évolution, reste encore trop marqué par le côté bourrinage artificiel des morceaux hards des deux premiers albums.
Beaucoup moins symphonique que What Lies Beneath, Colours of the Dark ne manquera pas de déconcerter un peu les aficionados de l'ex-chanteuse de Nightwish. Et pourtant, c'est bien là le meilleur album de Tarja, plus subtil, plus complexe, plus varié. Espérons que la soprano ne perde pas cette voie qui lui va si bien.