Correspondances
7.4
Correspondances

Album de C.Sen (2010)

Attention histoire d'amour en approche (vous êtes prévenus).

Cette histoire commence fin 2009 lorsqu'un ami traine sur Youtube lors d'une soirée. Je tombe sur un clip dans les suggestions, C.Sen - Anti-Héros, l'image d'un rappeur habillé juste avec un petit polo, un titre qui me parle, et un blaze originale, allez on teste, je clique sur lecture. Les premières notes de piano retentissent, raclement de gorge, voix très sympa, les premières phrases tombent, le flow est présent, l'instru nous emportent, un clip sans fioritures, juste des gros plans avec quelques effets. Ca paye pas de mine, on laisse tourner. 4 minutes 50 plus tard, fin du clip, plus de sons dans l'appart', tout le monde se regarde, tous ahuris, quelques choses s'est passé, on remet immédiatement le morceau et on ouvre une nouvelle page avec notre ami Google pour savoir d'où sort ce rappeur !

C.Sen aka Sensé pour les graffeurs, aka Le Parpaing, graffeur, puis rappeur depuis la fin des années 90, originaire du 18ème arrondissement de Paris, membre du collectif 75018 Beatstreet. Étant un fan inconditionnel de rap (notamment de la Scred et Fabe) et graffeur je ne pouvais pas mieux tomber.

Après des sons sur les mixtapes du Beatstreet avec ses potes, il traine sa patte un peu partout. Ce n'est seulement qu'en 2010 que sort son premier skeud le bien nommé "Correspondances", un résumé de toutes ses années rap, habillement compilées dans 18 titres tous plus intéressants les uns que les autres.

Donc on arrive en 2010, après avoir suivi toute son actualité, m'être renseigner sur toute sa carrière et avoir écouté quasiment tous les sons qu'il a pu sortir j'attendais son album en espérant qu'il allait devenir un de mes disques favori. Erreur, ce n'est pas devenu un de mes favoris, c'est juste devenu ma bible. Chamboulement total dans ma tête, "Correspondances" est un concentré de bonheur pour mes oreilles que j'écoute un bonne dizaine de fois par mois (je mens un petit peu, je l'écoute surement plus que ça).

Venons en au fait :

18 morceaux de rap, instrus samplés à tomber par terre, tout amateur de rap ne pourrait dire le contraire, un flow et une voix très intéressantes, et des textes somptueux... des tranches de vies tellement bien mises en valeur.

L'album débute, le son du métro qui vogue dans son tunnel sombre retentit, on est limite dans l'acapella, instru mêlant les bruits du métro et les mécaniques, une introduction tellement originale qui attise notre curiosité pour l'écoute de la suite, petit son de batterie pour enchainer sur le morceau suivant.

Et boom, premier gros sample, ça retourne, ça prend aux tripes, ça rappelle les meilleurs années du Rap US, "je garde mes problèmes de cœur pour le cardiologue", le ton est donné, morceau ego-trip, mais tellement loin des clichés des cadors du rap français. "Alors bien ou bien" refrain simple mais accrocheur. "Je sais bien que je suis pas éternel comme ma conso de miel, que les rêves se réalisent que quand on sommeille", les textes sont censés (Sensé ?) et sombres, c'est du bon.

On enchaîne avec "Mon rêve", le titre est explicite, on écoute les rêveries du rappeur, l'instru est bonne, on continu sur la même ligné que le morceau précédent, puis vient "Le Couloir".

Tip Top. Morceau racontant les amourettes du C.Sen, jamais quelqu'un n'avait si bien écrit sur ce sujet avant lui (j'ai quand même en tête "Chewing-gum" d'Odezenne pas loin). Il jette la petite Nathalie, pour ce faire jeter en retour sur la fin du morceau, la boucle est bouclée. Premier gros coup de coeur de l'album. L'instru n'y est pas pour rien encore une fois. Petit passage parler sur la fin, excellent. On rigole de ses déboires, et on danse sur un son magique.

Et Boom, deuxième sample qui te retourne. "Classique" "comme sa paire de Stan Smith blanche et verte". Texte qui fait mouche, flow qui fait tout valser, instru qui résonne en boucle dans la tête, scratch en guise de refrain, pfiou, 10/10. "Au poste se rappeler que ta mère t’aime, toute l'amertume qu'un ami provoque quand il brise l'omerta, classique comme un "j’emmerde ta fille Jean-Marie", Classique la musique qui fait vibrer mes vitres et mes briques, et ma clique break sur du Slick Rick entre deux coups de briquets Bic". Classique je vous dis.

Et on ne s'arrête pas là, arrive "Anti-Héros", première pépite de l'album, piano majestueux, paroles sincères, sans prétentions et tellement jouissives, on se reconnait à chaque fin de phrases. "Vendre 18 millards d'albums c'est pas le but, juste être un type peace". Esprits mafieux d'Oxmo vous a fait chavirer ? "Anti-Héros" en fera de même je vous le garantis. Meilleur son du Skeud.

On ne respire plus, on est emporté par son ambiance noir, et Le C.Sen le sait, arrive donc "Mon sosie". Ouf, on rigole, on respire, on sourit. Son sosie c'est celui qui envoi tout chier quand il est bourré, celui qui s'attire les foudres du voisinages ou du patron de bar du coin. La tension retombe et on apprécie encore une fois l'écriture de l'artiste.

"Demande à la poussière" suit. Morceau très court parlant des sols de Panam. "Demande à la poussière qui elle fréquente ? Demande au luxe avec qui il fricotte ? Observe le sol de nos villes, tu comprendras nos vies, et si t'as toujours rien compris, baisse les yeux". L'instru est originale et minimaliste, l'écriture encore une fois est juste.

Après les sols on passe à la ville de Panam en général avec "Ce soir". "On se fait chier la race, oui c'est malheureux, le sourire on se l'arrache, rien de chaleureux". "Comme ses filles de joies, elle affiche le sourire d'un tox qui se fixe deux fois, la paix n'a pas de gardien, moi j'ai la mine de bois et la plume goudronnée". Vous l'aurez compris, c'est sombre, c'est Paris la nuit.

Petit interlude "Grec Frite Style", deuxième morceau court, sur fond orientale petit son qui nous prépare au deuxième tube du skeud.

"Un disque rayé", deuxième son clipé, deuxième pépite de l'album, instru énorme (merci de l'avoir laissée tourner à la fin), texte juste et concis traitant de son 18ème arrondissement "quartier où tapinait Édith Piaf", le morceau dure moins de 3 minutes, c'est du concentré, du bonheur, si vous devez commencer par écouter un son pour vous faire une opinion, commencez par celui-ci. 10/10. Le clip est très sympa lui aussi !

Puis on arrive sur une partie de l'album où c'est plus posé, moins de "classique", moins de bombes mais ça reste tellement bon.

Cette transition démarre avec un son qui voyage, moins rentre dedans et direct comme peuvent l'être les premiers. "Voir du pays", on rêve à visiter le monde, Suit "A part les gens" premier feat de l'album, Nasme, un tollier du 18ème donne la pareil au C.Sen, on retrouve l'esprit Beatstreet, ça rap, ça envoi. Puis "Le monde est merveilleux", deuxième son voyageur, avec Loane au refrain, très belle voix douce, instru très relaxante limite trip-hop, ça me plait, ça me repose des claques précédentes. "Mais comme toute bonne chose à une fin, le videur inquiet de ma santé, a jeté le joint que je roulais, m'a escorté jusqu'à la sortie, surement pour assurer ma sureté". Et nous allons en faire de même, passer à la dernière partie de l'album.

Pur morceau rap parisien, "Paris Beatstreet", les connaisseurs reconnaitront Dar.C et Dino en feat, 75018 Beatstreet. Instru qui tape avec son clavier qui monte et descend, les deux invités rappent très bien (comme Nasme, ils ont rouler leur bosse dans l'indépendant). Ça sonne 18ème, ça sonne bien.

La suite c'est un son aux sonorités reggae, "Entre deux rondes", "bienvenue dans mon monde, un tag entre deux rondes", au refrain on a Indian Soldia, ça fera bouger les fesses de pas mal de monde.

Avant dernier morceau, un de mes préférés, "Le beatstreet blues", lancinant et envoutant, encore une fois on est emporté par les tranches de vie du C.Sen, "Ma première scène dans une cave, même saveur bizarre que mon premier train peint pénétrant la gare Saint-Lazare". Ça pose lentement, ce qui nous permet de savourer l'écoute de son histoire si bien comptée. Un blues à proprement parler. "La première fois que j'ai chialer, j'ai oublier, mais une cicatrice au ventre est là pour me la rappeler", "

Et arrive le dernier morceau de cet album si prenant, et quelle fin. "J'te dirai", monté en crescendo de l'instru avec un piano encore une fois prenant, bouleversant, texte énorme, ça conte une nouvelle fois la vie bien rempli de l'artiste. "Qu'on est des silhouettes, qu'ici on ne se parle plus et que ça emballe sur le net, que l'égalité c'est toujours mort, comme d'être en bas de survet' devant un club en vogue"... On clôture l'album sur un piano envoutant, une guitare électrique aux bons accents rock. Magique.

Cet album fut une révélation pour moi, chaque texte et instru m'ont transportés, ça fait plus de 15 piges que j'écoute une tonnes de sons en boucle et pourtant je n'ai jamais écouté autant de fois un disque en entier. Meilleur album de rap français à mes yeux (bon c'est pas très objectif je l'avoue). Quand un des meilleurs lyricistes du rap est soutenu par des instrus magiques, ça donne un chef d'oeuvre.

10/10 + 1 pas plus pas moins.

Mention spéciale pour le packaging du skeud, un format façon livret très bien fini, plus grand qu'un boitier cristal, avec les textes, des illustrations très belle, un faux-semblant entre le quartier du Sacré Coeur et les bidonvilles du Brésil, c'est du beau, du propre, on se fout pas de notre gueule, tout ça en Indé. Respect.

La phrase de fin revient au C.Sen prononcé lors d'un freestyle (incroyable) en 2002 sur Générations FM :
Présentateur : - On a une future star en face de nous
C.Sen : - Pas de star, j'suis juste venu en Stan Smith fons-dé.

Merci C.Sen pour cet album.
ZanickPolterski
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 4 janv. 2014

Critique lue 157 fois

3 j'aime

ZanickPolterski

Écrit par

Critique lue 157 fois

3

Du même critique

Abara
ZanickPolterski
8

Sombre et crade.

Lecture rapide, (Nihei oblige) en une journée de ce manga en deux tomes avec deux histoires, Abara et Digimortal. Je trouve que les critiques du site sont très sévères vis-à-vis du scénario. Certes...

le 8 avr. 2014

10 j'aime

Saga, tome 2
ZanickPolterski
9

Psychologie galactique

J'ai adoré le tome 1, je me suis empressé de lire le second tome. Grandiose. Il est grandiose. Le premier tome avait vraiment gagné toute mon attention de par son univers hétéroclite, ce second tome...

le 13 janv. 2014

10 j'aime

Opus, tome 1
ZanickPolterski
8

Les mangakas, ces bourreaux.

Satoshi Kon fut un auteur remarquable de part ses films et séries flirtant entre réalité et fiction. Avec Opus il s'attaque au support papier, une franche réussite nous attends à la fin de la lecture...

le 4 mars 2014

9 j'aime