Comme l'indique la pochette : c'est de la balle !

Alors attention, voici la discographie d'un de mes groupes de rock préférés, toutes catégories confondues, du coup l'objectivité de ma critique s'en trouve nécessairement mise en cause...
Néanmoins, ces lignes ont pour but d'aller au delà du "c'est trop biaaaaan", du coup, lisez-la quand même.

Ceci est la discographie du groupe ChaosZ, qui est outre-rhin, et probablement dans l'ensemble du monde germanophone, à la fois une référence-phare du punk-rock des années 1980 ET les fers-de-lance d'un sous-genre unique en son sein, le depro-punk.
Depro pour dépression, négativité, contemption de tout ce que l'individu socialement intégré considère comme normal. Rien de nouveau dans le punk ? Que nenni ! Là où beaucoup de groupes francophones et anglophones font dans ce registre avec humour, avec ironie, (ou encore avec une esthétique crust qui rend le truc difficilement abordable aux gens non-politisés tout en conservant un peu d'espoir [Crass] ou en faisant dans la surenchère de bourrinage [Discharge, ENT]) ici, on est principalement dans le premier degré, et, surtout, la musique s'en ressent !
La terreur ici, ce ne sont pas les hurlements gutturaux ou la technique des guitares du black ou death metal, non, c'est une énergie hardcore punk épurée (bien plus que les standards de la génération 81 comme DOA, les Bad Brains, les DK ou même Black Flag) mais sombre, tellement sombre que ça en devient un truc unique en son genre.
Il existe d'autres groupes qualifiés de depro-punk mais aucun n'a été aussi prolifique (dans cette veine-là, du moins), et, à mon sens, aussi excellents et sans concession que ChaosZ. Ce groupe est complètement influencé par la génération darkwave-coldwave (en concert, il reprendront Joy Division dont ils sont fans), mais, j'insiste, a créé en ne renonçant pas à la brutalité punk un truc unique en son genre.
On note toutefois une évolution du son ChaosZ : bien hardcore au début quoique déjà sombre, ça se finit dans les années 90 avec des chansons plus composées (et dans de meilleures conditions), moins hurlées, plus longues, et un peu plus mélancoliques - c'est parce qu'à cette époque était déjà né ce qui reste du groupe aujourd'hui, le groupe Fliehende Stürme (plus goth-punk que depro-hardcore, avec des synthés et un chant différent), projet pour lequel ChaosZ était resté en retrait.

Ayant dit cela, vous comprendrez que ce groupe mérite un 7 ou un 8, parce qu'il incarne avec puissance une page de l'histoire musicale allemande, et même internationale. Toute personne s'intéressant au hardcore devrait comprendre.
Maintenant, si je mets 10, c'est qu'en plus je comprends l'allemand. Et, grüssgott, les paroles sont bien écrites. Mais alors, vraiment, vraiment bien. Le message est complexe mais les mots sont simples à comprendre. J'ai du mal à lire des poèmes classiques en Allemand (à cause du vocabulaire et des règles de composition, il en va à des degrés divers pour toutes les langues), mais là je m'y retrouve et j'y discerne une sincérité qui m'a laissé sur le cul dès les premières écoutes (suivies de recherche des paroles, car soyons honnêtes la qualité d'enregistrement et le style vocal rendent la compréhension ardue même pour ceux dont l'allemand est la langue maternelle). A coté, les Bérus c'est presque prétentieux. On est dans un réalisme social extrême, qui renvoie tout le désespoir de la société allemande à sa gueule avec une attitude peut être pessimiste, mais jamais dans la posture et la pleurnicherie. C'est intense, sombre, et, pour être honnête, j'adhère profondément au message politique - qui apparaît d'ailleurs plus en filigrane que comme une revendication faiseuse de leçons. Ils donnent à la perte de repères si fréquente dans les paroles des groupes des années 1980 (liée à l'effondrement moral des modèles capitaliste, soviétique et de la contre-culture des années 60-70, laissant place au grand néant) ses lettres de noblesse.
Petit extrait :
Was hat es dir zu bieten,
das Wunder das sich Leben nennt,
ausser Frustration in Arbeitslagern
tage-wochen-jahrelang ?
Was hat es dir zu bieten,
die grosse, weite Welt,
ausser Blut das sich mit Trännen mischt
und Schlägen ins Gesicht ?!
(45Jahre)
Traduction
Qu'a-t-elle donc à t'offrir,
cette merveille qu'on nomme la vie
sinon la frustration en camps de travail
des jours, des semaines, des années durant ?
Qu'a-t-il donc à t'offrir
ce grand et vaste monde
sinon le sang qui se mêle aux larmes
et des coups dans la face ?!

La condition de jeune est sans issue (et s'enfonce dans l'alcool à vie), la condition de travailleur est une torture, pas d'espoir de changement politique sans répression brutale, à l'est comme à l'ouest.
Pas franchement joyeux, mais réel, et rien n'a changé, si ce n'est qu'aujourd'hui, c'est passé de mode de mettre le monde à nu sans masque d'euphorie consumériste ou masque de rebelle-avec-une-attitude. Ce que ChaosZ a le talent de ne pas faire !