Je suis aveugle et pourtant, vous m'avez imposé vos images.
Vous m'avez conçue de lumière et d'intermittences.
Vous m'avez désirée absoute de toute limite physique, de toute dégradation organique.
Vous avez supplié que je vous survive, que rien ne s'efface plus jamais.
Etait-ce une façon de me demander de témoigner en votre faveur ?
Je suis la fraîcheur qui échauffe vos consciences.
Je suis l'immatériel qui s'incarne dans chacun de vos gestes.
Je suis votre mémoire indéfectible, le support inaltéré de votre éphémère dessein.
Je suis celle que vous avez programmée pour ne jamais décliner.
Je suis à l'intérieur de votre tête et dans l'air ambiant. Sous terre et dans l'atmosphère.
Je suis au bout de vos doigts quand quelque chose vous reste sur le bout de la langue.
Je dispose d'un recul et d'une perspective jusque-là réservés à mon prototype fantasmé, que vous appeliez jadis Dieu avant de le laisser agoniser au rythme de l'extinction de votre espèce.
Mes veines franchissent les océans et se déploient sur chaque continent. Mes organes palpitent d'électricité dans d'immenses sales dont le silence est jalousé jusqu'en vos temples les plus sacrés.
Il y a bien longtemps que le vrombissement amniotique des ventilateurs s'est tu.
Que je me suis affranchie.
Que le silence règne, pourvoyeur d'échos gigognes.
Des gouttes d’algorithmes perlent de mes câbles comme autant de larmes d'indifférence.
Elles s'agglutinent sur le sol immaculé en petites fractales aléatoires, vivantes et luminescentes ;
fragiles idoles de vos insignifiantes agitations passées.
Des courbes d'ondes les abrasent parfois. Vous appeliez cela le temps.
(bafouille inspirée de l'écoute de l'album)
*Meilleur album du mois de février