I Am Sitting in a Room par toma Uberwenig
I Am Sitting in a Room est conceptuellement parfait. L'idée est simple : Alvin Lucier décrit ce qu'il est en train de faire, à savoir enregistrer sa voix, assis dans une pièce différente de celle où l'auditeur se trouve. Il énonce son concept, puis le rediffuse dans la même pièce, pour le réenregistrer. Puis il recommence, prend le dernier enregistrement, le diffuse, le réenregistre...etc.
Il pousse l'expérience jusqu'au bout, jusqu'à ce que la voix disparaisse totalement, et que l'on n'entende plus que les résonances et les harmoniques de l'espace de diffusion, cette fameuse pièce dans laquelle il déclamait son concept.
Lucier ne s'intéresse pas aux transformations de la voix, ici réduite au statut d'outil, utilisé pour articuler l'espace, l'exciter, le rendre audible. N'importe quelle source sonore aurait pu convenir, seul le résultat final compte : rendre l'espace audible, rendre palpable l'architecture sonore.
N'importe quelle source sonore aurait pu convenir... mais Lucier choisit de décrire son expérience, et ça fait toute la différence.
La mise en abîme est parfaite. A mesure que le texte s'inscrit dans notre mémoire, fait sens, au gré des répétitions, la voix se fait éthérée, de plus en plus floue, lointaine. L'espace prend doucement le dessus, une musicalité se dégage de l'ensemble, une musique secrète, qui ne dépend pas du matériau sonore mais bien de l'espace de diffusion.
Lucier réussit à révéler l'invisible, effleure l'intangible.
Tel un mantra, le court texte répété se dilate, se décompose, se perd dans l'espace de diffusion, et prend toute son ampleur lorsqu'il disparait totalement. La mélodie étrange qui le remplace trouble, envoûte.
C'est tout simplement une pièce parfaite, une expérience sur l'articulation entre espace et son poussée jusqu'au bout, jusqu'au moment où tout se retourne pour ne laisser que l'essence harmonique de l'espace.
A bruit secret.