Inamorata
7.8
Inamorata

Album de Method of Defiance (2007)

Bill Laswell, tu vois tout de suite le gars qui vient du jazz. Un peu sapé, un peu excentrique. De Monk, il a pris le gimmick du galurin : colle-toi un truc sur le crâne, même si le reste est so-so, t'auras l'air hip. Depuis les années qu'il traîne dans toutes sortes de plans, du funk au punk, de l'électro au trio, sa bande de potes a des allures de Gotha de la musique intelligente. Et c'est comme ça qu'il a produit ce bijou sonore qu'est Inamorata : transformer un studio en une sorte de cour des miracles musicale. Et laisser les collisions se produire à très haute énergie. Si tu veux, à la limite, Inamorata, ce serait pas loin de contenir des traces musicales du boson de Higgs...


Au moment où j'écris ces lignes, j'acoute Aibi Virus, track 7 sur la galette. Laisse-moi te raconter ce qui se passe, c'est pas un mauvais angle pour comprendre le disque...


L'intro est cinématique, et tu sens que c'est pas une rom-com. Au moment où tu attends que quelqu'un démarre une tronçonneuse, the music quicks in. Aux platines, Sam Pool, aka SPL qui distille une Drum'n Bass sombre, hargneuse et millimétrique, à laquelle Laswell répond à la basse, tout en aplomb, un poil de rondeur. Sur cette section rythmique, John Zorn, empereur du jazz post-free, indécidablement génial et cinglé, est venu tirer des traits de sax dans une veine coltranienne qui plaît par sa liberté harmonique et sa tension dramatique.


Tout ça balance dur.


Mais Zorn n'est pas venu seul : sur la banquette de la Volvo il a casé Masada, son trio à cordes. Feldman, Friedlander, Cohen, un son yiddish pur jus que t'aurais infusé à l'Ornette Coleman. Alors quand la DnB veut bien respirer côté rythmique, et s'ouvrir comme la broussaille sur une clairière, se faire ambiance avec des collages sonores énigmatiques, tout à coup c'est comme un souvenir de shtetl qui te reviendrait, mais sous acide. Un trip qui oscillerait entre une sérénité extatique et le bad bad.


Autant dire que t'en prends plein la gueule. Que du très bon, mais du sans filtre. Si t'as l'oreille faiblarde ou que tu as besoin de chanter sur le refrain, ça va pas le faire. Si t'as le marteau bien collé à l'enclume, mets ton casque, ça va secouer.


Du 9 quoi.

lau_k
9
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le 22 mars 2016

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lau_k

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