Steve Hartlett est un mec un peu à part. Alors qu'il y a deux ans de ça il jetait à la face du monde am, disque improbablement définitif, soulevant un enthousiasme discret mais justifié sous le nom d'Ovlov, il met un terme à l'aventure en 2015 pour poursuivre sa route en solo. Stove est né. Toujours les pieds plongés dans le revival nineties, il se démarque pourtant une nouvelle fois nettement de ses concurrents hirsutes fans de rock prolo braillard et de mélodies douces-amères. La recette: un songwritting affuté et une approche aussi j’en-foutre que passionnée et sincère.
Désormais seul maître à bord alors qu'Ovlov avait fini au fil des ans par d'avantage ressembler à un collectif épars aux contributeurs multiples et à la paternité floue qu'à un groupe - d'où la décision de mettre une fin symbolique à quelque chose dont il n'était pas sûr qu'il ait vraiment commencé un jour - Hartlett se retrouve face à lui même. Le résultat qui tient en une quarantaine de minutes pour 12 titres voit d'ailleurs la brume électrique de jadis rétrocéder quelques pouces et la simplicité dominer dans les grandes largeurs. Conséquence directe du dégraissage opéré quelques mois plus tôt ou pas, à ce détail près, Is Stupider se tient dans la droite lignée des productions récentes d'Ovlov auxquelles Hartlett adresse d'ailleurs quelques clins d’œil aussi fins que sensés ("Ex-Punk" en réponse évidente au "Nü Punk" d'am entre autres). Quelque part à la croisée des chemins de Dinosaur Jr, Nirvana, Pixies et My Bloody Valentine (si, si). En (beaucoup) plus à poil, mais pas moins écorché ni sensible. Bien au contraire. Là est d'ailleurs la grande force des compositions de ce même pas trentenaire tombé sur le tard dans le monde du rock.
Tout en lignes de chant branlantes mais sincères et pleinement assumées ("Jock Dreams", "Wet Food"), en guitares franches et en soli indie hero, Is Stupider est brut, heavy et dépouillé sans être bruyant; raconte la vie dans sa bulle à force de textes subtils et de mélodies délicieuses ("Dusty Tree"). Si les morceaux les plus ardus à accoucher sont souvent les plus simples en apparence, alors Steve Hartlett est un drôle de petit génie. Car même s'il répète à l'envie qu'il ne sait pas vraiment ce qu'il fait, au fond, chaque instant d'Is Stupider ne fait que confirmer ce que laissaient subodorer ses méfaits passés: ce petit gars a l'esprit vif, la mélancolie qui lui coule entre les doigts et un talent fou pour l'agencer en dissonances féroces ("Ex-Punk"). Stove reste invariablement simple, accessible et lumineux jusque dans ses écarts les plus inattendus (l'ouverture de "Stupidest"), souvent presque primaire. Sauvage même, dans tout ce que le terme peut évoquer de plus indomptable, direct et instinctif ("Plastic") mais sans jamais tout à fait se départir d'une finesse rarement aussi renversante que lorsqu'on lui laisse la parole (la merveille de ballade Slacker-Rock "Lowt-Ide Fins", les neuf minutes de "Dumboy").
Bien qu'à portée de radar depuis quelques temps déjà et fort d'une poignée de réussites, il semble à l'écoute de ce néanmoins très beau disque que Steve Hartlett ne fait que commencer à véritablement se découvrir lui même. La fraîcheur d'Is Stupider est une belle éclaircie sur une année un peu trop régulièrement partagée entre tristesse, révolte et morosité. Son auteur? Un drôle de mec planqué derrière ses binocles sur qui il va peut être vraiment falloir s'habituer à compter. Pour le meilleur. Surtout pour le meilleur.