Yeah motherfucker, I'm high. And I'm thankful just to be alive..

Le premier album de la courte carrière d'Acid Bath est inusable pour une raison très simple: il ne ressemblait et ne ressemble toujours à rien de connu hormis sa propre descendance. Une singularité qui le protège autant des assauts du temps qu'il continuera de le tenir plus éloigné qu'il ne le mérite de nombreuses oreilles. Car à bien y réfléchir When The Kite String Pops n'est qu'impact brut, violence sourde et sournoiserie mis en musique. S'il n'est certainement pas le seul disque que vous croiserez à pouvoir s'enorgueillir d'attirer à lui ce genre de qualificatifs, sur la manière, il n'y en a probablement pas un pour lui arriver à la cheville.


Réaliser la pirouette de consacrer et quasiment tuer dans l'œuf un de ces genres en rupture sorti d'un obscur recoin des musiques alternatives et pourtant (devenu?) hyper codifié, tout en se situant déjà systématiquement hors des clous n'est pas à la portée de tous. En ces temps de revival permanent et de croisements pas toujours heureux, il est d'ailleurs plus que probable qu'il se passe une petite éternité avant qu'une œuvre de cette trempe ne repasse à portée de radar de l'univers du Rock braillard. J'en veux pour preuve que WTKSP fêtait tranquillement ses vingt bougies en 2014 et que l'on attend encore. Pour rester en terrain connu, les immenses Thou, par exemple, sont effectivement en train de se construire un trésor de guerre phénoménal aussi dense et touffu que subtil et sensible mais la déflagration que représente WTKSP remis dans son contexte (1994) reste d'un tout autre ordre. Ces disques qui persistent vraiment à rester aussi uniques et sans concessions qu'inspirants alors que les années défilent ne sont de toute façon pas légion. Ce n'est pas un hasard s'il ne pleut pas un Reign In Blood, un Horrified, un Scum ou un Hear Nothing, See Nothing, Say Nothing tous les quatre matins, pas plus que Streetcleaner, Nattens Madrigal, Through Silver in Blood ou encore Transcendence Into the Peripheral ne souffrent véritablement la comparaison avec les cohortes de suiveurs qu'ils ont pu enfanter.


Les presque 80 minutes de When The Kite String Pops sont un des trop rares instantanés de ce que fut Acid Bath, le groupe ayant été fauché en plein vol en janvier 1997 par le décès de son bassiste à voingt-six ans. Si les interrogations qu’elles soulèvent lors des premiers contacts tendent à s’estomper au fil des écoutes, une continue de revenir avec insistance: pourquoi donc retourner sans cesse au casse-pipe alors que ce disque au parfum morbide qui glisse entre les codes refuse catégoriquement de se laisser dompter ? Peut être parce qu’après chaque passage il parvient à faire oublier pourquoi l'auditeur se sent invariablement assailli par cette sale impression d'être allé à l'abattoir de son plein-gré avec le sourire aux lèvres ("Toubabo koomi", "What colour is death?").
When The Kite String Pops est comme une première fois répétée à l'infini. Follement grisant quoiqu'un peu flippant. Une expérience unique fascinante qui, une fois consommée restera toujours difficile à appréhender faute de références auxquelles la rattacher. Chercher à comprendre rationnellement ce premier jet reviendrait peu ou prou à se réciter inlassablement la table de Mendeleïev en espérant en déduire un jour l'origine du monde. Vain et épuisant, voire ennuyeux (question de sensibilités ceci-dit). When The Kite String Pops s'encaisse, plus qu’il ne s’explique.
Ce disque pétri dans un moule Hardcore dégénérescent relevé de Thrash maladif et d'ambiances Americana sudistes crépusculaires plombées à à peu près tout ce qui a pu tomber sous la main du quintet, bien que pouvant logiquement évoquer les productions d'autres locaux à la même époque (Exhorder / Pantera) fait montre d'une animosité, d'une noirceur et d'une versatilité sans véritable précédent. Comment sinon sublimer ces deux bluettes hypersensibles que sont "Screams of the butterfly" et "The bones of babydolls" en monuments du glauque? Aucune limite stylistique, aucun effet de manche: tout est là, malaxé, compacté. Acid Bath ne ressemble à rien (d'autre), Acid Bath se veut vilain et pouilleux, Acid Bath transpire le malaise moite et la haine rentrée mais s'en fout puisque c'est très exactement sa raison d'être.


Une création brute. Un exutoire. WTKSP est une rondelle nocive, bruyante et virtuose, paumée à la croisée des genres, nourrie d'un environnement que Dax Riggs, alors simple gamin à la voix plus grande que lui, qualifiera par la suite de toxique (ndlr: La Louisiane, qu'il a d'ailleurs quittée), parmi les plus abouties, denses, extrêmes et insaisissables qui soient. De celles qui refusent de vous lâcher, empêchent de relever la tête (de lecture) une fois lancées, et vous remettent d'aplomb votre bonhomme après chaque dépoussiérage. Une œuvre incendiaire baignée dans l'exubérance et la folie, cette sensibilité à coté de ses pompes difficilement contrôlable et souvent source de malaise - que l'utilisation de Pogo The Clown en guise d'artwork rend ici difficilement évitable - à inscrire au panthéon dur Rock dur qui grignote la cervelle.


http://www.metalorgie.com/groupe/Acid-Bath#5280

Craipo
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le 18 mars 2016

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