Juveniles
6.8
Juveniles

Album de Juveniles (2013)

C’est désormais un fait établi : il y a bien une post new-wave à la française. Comme souvent, on est très très en retard par rapport aux anglais ou aux ricains : les premiers disques d’Interpol ou Editors ont déjà presque dix ans. Mieux vaut tard que jamais, hein ! Il y avait bien eu, dès 2009, un signe avant coureur avec le "Shoegazing Kids" de Stuck in the Sound ; en 2011, "Psychodrama" de A second of June revendiquait également des sonorités très eighties. Pourtant, cela ressemblait plus à des actes isolés qu’autre chose.
Ils auront donc mis du temps à arriver, les Lescop (l’arbre qui cache… la forêt ! Mouarf !), Yan Wagner, Aline, Perez, The Aikiu… Et les rennais des Juveniles (plus parisiens que rennais maintenant, mais bon). La première fois que je les ai vus en concert, c’était à Saint-Brieuc, dans une salle assez minuscule, il y a bien deux ans de ça. Le groupe venait à peine de se former, mais j’étais déjà sidéré par la qualité de leurs compos et leur aisance scénique. Je n’ai donc été qu’à moitié étonné en apprenant qu’ils s’étaient acoquinés au label le plus hype du moment (Kitsuné), ce qui redoublait mon impatience quant à la sortie de leur premier album.

Sobrement intitulé "Juveniles", il est arrivé beaucoup plus tard que prévu (car précédé d’innombrables EP et autres collaborations). Mais l’attente n’aura pas été vaine, puisque pour un début, c’est vraiment du haut niveau. On sent que tout a été peaufiné dans les moindres détails ; preuve en est ce tracklisting quasi idéal, qui place en intro "We are young", qui est à la fois leur premier single et leur titre le plus emblématique. Dansant et lumineux, mélodiquement imparable, "We are young" possède toutefois cette part obscure induite propre à la new wave des années 80. On croirait un inédit de Depeche Mode retrouvé au fin fond d’un tiroir. On l’entend une fois et on a l’impression d’écouter un classique, ce qu’il devrait logiquement devenir.
La suite est tout aussi jouissive, et même davantage. Certainement décidé à se mettre l’auditeur dans la poche dès le départ, le groupe enchaîne ensuite avec "Strangers" : refrains denses et aériens, flow qui tue, guitare solo bien placée… Impossible de résister. Même conclusion avec "Logical" et "Fantasy" ; entre une ligne de basse bondissante digne des meilleures de New Order pour l’un et une rythmique electro-funk à faire pâlir Daft Punk d’envie pour l’autre, le constat est sans appel : les petits frenchies sont devenus grands et ont largement de quoi rivaliser avec les formations anglophones. Pour achever de vous en convaincre, jetez donc une oreille, un peu plus loin, sur "Through the night", autre hit immédiat aux synthés percutants, ou "All I ever wanted was your love" qui lorgne admirablement du côté du "In Ghost Colours" de Cut Copy.
Déjà paré de nombreuses qualités (auxquelles on peut ajouter une production sans faille), "Juveniles" possède également une face plus atmosphérique, tout aussi sympathique (ou alors à peine moins) que celle qui vous aura entraîné sur le dancefloor. Dans un premier temps, "Summer nights" vous paraîtra un peu trop minimaliste et caverneuse après la déferlante d’énergies positives provenant des titres précédents, vous ne saurez pas trop quoi penser des "na na na na na" qui parsèment le morceau, mais vous finirez par succomber, sans vous en apercevoir vraiment, à sa nostalgie sous-jacente qui monte crescendo malgré un rythme toujours un peu sautillant. L’angoissante "Washed away", par contre, vous happe directement ; c’est clairement le titre le plus désespéré de l’album, et ça faisait bien longtemps que je n’avais pas entendu une chanson de moins de trois minutes capable d’installer un climat aussi émotionnellement puissant. Dans le même esprit, "Elisa" et ses synthés délavés rappelle ces jours où tout, même l’amour, vous déprime, et ressemble à ces gouttes de pluie qui s’écrasent sur la vitre sous un ciel maussade. Je passe rapidement cet exercice de style vintage qu’est "Adriatique" (néanmoins sympa pour un instrumental) pour en arriver à "Void" qui est, finalement, une conclusion parfaite pour ce disque, puisque les deux tendances principales (dancefloor / atmosphérique) s’y trouvent agréablement résumées.

Bref, si vous cherchez un truc frais (mais pas superficiel), indéniablement positif (mais pas que) pour vous accompagner en vacances (mais… pas que), laissez donc tomber ce qu’essayent de vous vendre la télé et les radios moisies, laissez donc choir les sonorités putassières d’Ibiza et de la Côte d’Azur (profitez-en pour les piétiner au passage), et tournez vous vers les "jeunes et bons" Juveniles, vers ce premier opus dont la durée de vie dépassera largement celle du mois d’août… Et des suivants !
Psychedeclic
9
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le 6 juil. 2013

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