[...] Quelques jours plus tard, nos yeux croisent le chemin de ce disque qui trône négligemment sur l'étagère. Excès d'héroïsme, de zèle ou simple abnégation masochiste, ce serait quand même dommage d'avoir investi là-dedans sans en percer une once de mystère et de coquille. Mise en recul salvatrice car c'est en le relançant qu'on commence enfin à comprendre ce curieux sentiment. La froideur laisse place à une timide chaleur d'enchevêtrements de riffs et des refrains qu'on aurait enfin digérer. Et qu'on se laisse happer dans l'univers de Porta Nigra. Ce serait comme avoir retrouver une vieille relique de documentaire présentant un bout d'histoire perdue de la Première Guerre Mondiale dans le grenier des bâtiments d'Arte. Un document vidéo bizarrement monté où l'on verrait sans aucun lien logique des successions éparses et cliquetantes de marches d'officiers cérémonielles, de discours radical d'on ne sait quel tête de parti politique qui aurait pu faire office de véritable dictateur et de moment posés et divertissants de simples soldats profitant de leur permission dans un cabaret burlesque, couvrant des activités plus lucratives de maison close en arrière-boutique.
Pas très sain tout ça, un peu dérangeant même. Car d'un côté, Porta Nigra nous apparaît comme un groupe totalitariste, extrémiste – c'est une image des sensations qu'il peut bien procurer, ce n'est nullement une question de propos et de convictions politiques du combo – et qu'il exerce du coup cette même fascination malsaine que beaucoup de passionnés d'histoire vis-à-vis du parcours et de la personnalité des grands dictateurs. Et de cette fascination naît une sorte de dévotion. Alors en attendant que l'ONU les épingle pour crime sonore contre l'humanité, prenons Kaiserschnitt pour ce qu'il est. Une putain de frasque musicale aussi envoûtante que despotique.
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