Un ange de poussière magistral
[...] Et tu vois, lecteur, même si parler de ça me tenait à cœur, tu ne peux pas savoir, là, devant mon traitement de texte, comment je me retrouve très conne. J’ai tellement envie d’en parler que je ne sais par où commencer. Et dès lors que j’aurais commencé, qui sait où je finirais et par quels chemins tortueux j’emprunterais pour voir le bout du tunnel. D’ailleurs, Faith No More en aura pris des chemins tortueux. Car s’il a eu le succès qu’on lui connaît, succès tel qu’il en aura rameuté du monde au Rock En Seine de 2009 lors de sa reformation (certainement la plus importante et alléchante de toute cette mode), on ne peut pas dire que ce fut le cas originellement. Car Faith No More aura bien trimé au démarrage, depuis sa création en 1982 jusqu’en 1988 environ, laissant derrière lui ses deux premiers albums, We Care A Lot (1985) et Introduce Yourself (1987), bien méconnus ainsi que le secret bien gardé qu’une blondasse du nom de Courtney Love avait fait son apparition au micro pendant une période de six mois en 1983. Et puis, la donne a changé. On fait dégager le chanteur de l’époque, un certain Chuck Mosley, dont les excès le rendaient totalement ingérable (humainement et techniquement), et bonjour un jeune loup plein de talent. Mike Patton, repéré grâce à une démo d’un groupe totalement déjanté nommé Mr. Bungle. Et grand bien en prit à Faith No More car c’est cette figure et voix hautement charismatique qui fait opérer un véritable tournant dans sa carrière. L’album qui résulte de cette première collaboration, The Real Thing paru l’année suivante, provoque une véritable explosion de l’assistance. En même temps, difficile de ne pas comprendre tout cet enthousiasme, il ne s’agit ni plus ni moins qu’un véritable carrousel de tubes de fusion funk/metal tous aussi irrésistibles les uns que les autres. On y découvre un Patton groovy à souhait, paraissant bien sage vocalement parlant en comparaison au statut de bouffon qu’il ne tarde à se coltiner à cause de ses pitreries et mimiques grotesques effectuées à répétition en clip ou en live. Vous ne me croyez pas ? Regardez-moi un peu ce «Falling To Pieces», excellente preuve à tout ce que j’ai pu vous conter jusque là.
Au lendemain de cette véritable réussite, le combo réapparaît trois ans plus tard avec un dernier enfant nommé Angel Dust. Et là, si on pouvait d’explosion pour The Real Thing, on pourra parler d’ouragan en ce qui concerne l’accueil réservé à ce nouveau-né. Plutôt paradoxal quand on sait que Faith No More ne s’est pas contenté de faire une resucée de son précédent méfait et a préféré emprunté des chemins bien plus biscornus. Le funk groovy est un peu mis en retrait au profit de passages bien plus barrés, offrant un rendu des plus sombres et malsains tout en réussissant le tour de force à rester plutôt accessible au grand public. Mike Patton se lâche bien plus et montre toute l’étendue cette fois-ci de son spectre vocal. Passant du registre funky qu’on lui connaissait à des hurlements stridents habités en passant par des chants clairs majestueux et lyriques ou en s’aventurant dans du bon vieux crooner tel Sinatra, le tout en un clin d’œil et avec une facilité éhontée. Totalement hallucinant, il s’agit sans conteste du maître de cérémonie, LA figure incontestée du groupe, sans qui le combo ne pouvait prétendre aller aussi loin artistiquement parlant. Et dans son rôle, l’homme y est magistral. Vraiment. [...]