Il y a ce truc chez les premiers Hijōkaidan qui me donne l'impression d'assister à des rituels interdits dans quelque souterrain désaffecté, dans tout ce que ça implique de fascinant et de potentiellement dangereux.
FACE A
The Wreck of a Once Promising Youth reprend là où le rock bien éduqué avait la pudeur de s'arrêter, dans une sorte d'outro prolongée d'un concert qui n'aurait jamais commencé. La batterie de Mikawa et la guitare d'Hiroshige bégaient, peinent à se défaire du battement mécanique qui les unit malgré elles puis dégringolent, se désagrègent.
Mikawa quitte ensuite les futs pour la majeure partie de l'album.
Tod Dem Marxismus propose/impose un voyage psychédélique sur une mer de bris de verre. Le terrible bad trip ferait presque oublier ce premier titre faisant directement référence au nazisme (mais bon qui suis-je pour juger les choix edgy d'un groupe japonais en 1984 ?).
FACE B
Konzentrationslager (allez, celui-là ça passe) est un duel de larsen typique de la formation : Mikawa à présent au micro affronte Hiroshige, toujours à la guitare, dans un chaos strident ponctué d'unissons acérées. On retrouve entre les deux musiciens la tension de la track A1 lorsqu'un motif rythmique parvient à s'imposer avant de céder sous les hurlements du premier.
Loin de moi l'idée d'alimenter les stéréotypes prônant la noise comme un genre intrinsèquement violent et/ou nuisible pour ses auditeur-ice-s mais force est de constater que la face B de King of Noise ne me veut/fait pas du bien. Parcouru de bout en bout d'un pic de larsen à (environ) 2,57kHz, le bien nommé Self-Mutilation me fait l'effet d'une armée de roulettes de dentiste chauffées à blanc à l'assaut de mes frêles tympans, expérience indéniablement enrichissante mais que je ne réitérerai pas de si tôt.
Le groupe retrouve finalement sa formation guitare-batterie et se laisse les 28 secondes de l'explosif -et presque amusant- In Touch of Abe Kaii pour résoudre toutes les tensions de l'album sans parvenir à nous faire oublier les démons invoqués durant la dernière demi-heure.
Parce que, oui, pour le coup, King of Noise -ses hurlements, ses titres über-sombres et sa prod lo-fi aiguisée sur un fusil rouillé- est un album qui me semble vraiment violent, délibérément déplaisant et quasi-douloureux. Ça arrive, c'est pas grave, et occasionnellement c'est peut-être même un mal qui fait du bien.