La Passagère
6.9
La Passagère

Album de Marietta (2017)

Au tout départ, c’était la chambre, le trip poétique adolescent, le solitaire/la solitude. Marietta, qu’on appelait encore Guillaume par moment, livré à lui-même. Un album oppressant, liberté pour son géniteur - une pseudo-fuite du collectif quand le Feeling Of Love entreprend d’accéder au succès. on déchire les carcans de l’Attendu, le processus compositif du Groupe - gangue ouatée pour l’auditeur. La sensibilité gluante de Marietta partout.


On aurait pu en rester là.
Fenêtre ouverte sur l’aperçu d’un horizon possible.


On aurait pu rêver d’une suite.
On a rêvé d’une suite encore plus torturée, creusant les sales recoins de l’âme humaine vers une poésie noire en refus d’aboutissement.


C’était mal cerner Marietta, louper dans les grandes largeurs le périmètre de sa composition.
C’était surtout manquer d’ambition dans l’espoir.


Ainsi, de fil en aiguille, c’est le 25 août 2017 et voilà que naît La Passagère sans tambour ni trompette, l’anonymat mal assumé que cultive Born Bad Records depuis ses débuts entretenant tant bien que mal la chimère d’un underground que rien n’atteint. Admettons que le décorum, ou plutôt le refus de, donne à ces disques une aura véritable.


Chris Cohen produit. Halo Maud donne de la voix. ça sent le travail d’équipe et pue le compromis. dans un monde où on ne dit plus commercial parce qu’en vrai on a compris qu’un disque il faut le vendre pour pouvoir bouffer. On nous sert même du clip estival sur fond de joie de vivre mélancolique.
ya de quoi se perdre et tout jeter.
pas de point d’accroche et c’est bien le plus fou pour un truc aussi bien produit.


Et puis d’un coup la claque. Évidente. Le nez au milieu de la figure.


Le fou chante en français.
ça s’entrechoque, on tend l’oreille et les idées s’accumulent avec, inévitablement, les propos de Noir Boy Georges en toile de fond - et le retour presque maladif à La Grande Triple Alliance Internationale de l’Est, le temps d’AH Kraken, autre fantôme pas si discret du Marietta d’avant - « Gnagnagna tu vois, moi aussi je fais de la musique, je comprends pas comment tu arrives à chanter en français. Parce que moi tu vois, je me cache derrière la langue anglaise... C'est trop fort d'assumer, t'es trop courageux... ».
Guillaume aurait donc franchi ce cap cher aux jusqu'au-boutistes du coin.
dans le grand bain.
l’âge adulte.


Même pas.
Car l’évidence suivante, c’est que rien ici n’est prémédité.
Si la composition s’émancipe de l’amateurisme. si les arrangements sont proprets. si on a claqué pour de bon la porte de la chambre - à dégonder le tout - c’est pourtant la sincérité qui s’affirme.
Marietta vient de franchir, d’un bond surréaliste, le gouffre insondable qui sépare la belle musique de l’art honnête, celui qu’on n’oublie pas - parce qu’on ne peut pas l’oublier.


Alors on écoute et on laisse la pop brutale de La Passagère imposer son rythme lancinant comme seule la pop peut le faire quand elle refuse la facilité.
on oublie d’approfondir le texte pour laisser libre le champ des possibles, s’offrir un temps aux harmonies pour ce qu’elles sont.
Et quelle pop alors! Quelle démesure. Quelle ambition. C’est un moment d’histoire musicale qui s’écrit dans l’indifférence relative des parutions francophones, qui n’aura comme vecteur que quelque bouche à oreille militant, quelque concert passionné. Un mot ici, un mot là, pourvu que ça dure et que tout ça prospère comme il se doit. On en reparlera.


On en reparlera de ces neuf bouches ouvertes en direct sur l’âme de ce qui semble bien être un créateur. on reparlera peut-être même des résonances du premier effort solitaire qui, avec un peu de recul, annonçait la couleur, laissait deviner l’écriture. on discutera beaucoup des textes, pas tant pour leur contenu, leur structure poétique quasi-déclamatoire par instant, que pour leur choix de la part d’un homme qui, parait-il, écrit tout le temps. pourquoi ci. pourquoi celui-là et pourquoi là ? À croire que ça vient du cœur. Bêtement.
on causera démons et exorcisme pourquoi pas et puis rencontre aussi.
On fera des images avec tout ça car c’est ce qu’il faut en faire, des fresques torturées mais belles pour ce qu’elles sont avec des vrais visages dedans.

-IgoR-
9
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le 10 oct. 2017

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-IgoR-

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