Il est facile de réduire ce City Lights à sa bouleversante scène finale.

Elle le vaut bien cependant tant elle se fait la synthèse de ce que le cinéma muet a de meilleur. L’absence de parole est alors un atout. Car elle sublime le jeu des acteurs. Car elle laisse le champ libre à la musique en tant que vecteur sentimental.
Le silence a rarement été aussi beau et riche.
Chaplin, maître en sa demeure, démontre avec une facilité déconcertante que cinq petites minutes suffisent à balayer dans les grandes largeurs le spectre des émotions humaines.

Pourtant, ce film est bien plus que cela.

Il est avant tout un choix courageux.
A l’heure de la montée en puissance du cinéma parlant, Chaplin choisit, défiant toute logique mercantile, de produire un muet. Il profitera des techniques du parlant pour appuyer son travail mais restera fidèle aux codes qui ont fait sa célébrité et aucun dialogue ne viendra troubler la beauté de la pellicule.
Chaplin est un esthète et le prouve par ce choix artistique.

Il est une œuvre mature, réfléchie. L’œuvre d’un vieux briscard du cinéma à qui on ne la fait pas.
La réalisation est parfaite, carrée, du beau travail. La caméra est dynamique mais sait ralentir son mouvement lorsqu’il le faut, finaliser l’intensité de l’ensemble, donner du champ aux acteurs quand la folie les prend, serrer leurs visages au plus près s’ils ont des choses à dire.

Paradoxalement, il est un rêve d’enfant.
L’enfant a grandi mais n’a jamais sacrifié son âme. L’enfant vit toujours, cohabite avec l’adulte et lui autorise toutes les pitreries, cautionne sa grandiloquence.
Cet enfant est innocent et, de cette innocence, découle une bonté contagieuse, belle à regarder.

Il est une invitation à faire le bien.
Quelles que soient les brimades, les déconvenues, sois bon envers les autres. Qui que tu sois, viens poser ta pierre sur l’édifice de la tolérance et de l’amour.
De cet amour naît la beauté. La beauté dans les yeux de Virginia Cherrill lorsqu'elle reconnait son bienfaiteur. La beauté du sourire de Chaplin, déguenillé mais heureux.
Maintenant tu la tiens ta scène finale, ta postérité.
-IgoR-
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le 3 avr. 2014

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-IgoR-

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