Bizarre, c’était bien le qualificatif qui était affublé à Notre Dame pendant sa courte carrière de 1998 à 2004. Une autre époque tout de même car beaucoup étaient encore réticents à des mélanges alors jugés contre-nature. Le groupe a rencontré son public mais peut-être pas celui qu’il aurait mérité en terme d’importance. Trop perché pour les fans de metal traditionnel, trop grand guignol pour le metal extrême, Notre Dame est resté le groupe d’un public de niche. À l’heure où Igorrr, Pensées Nocturnes et autres formations particulièrement avant-gardistes rencontrent un succès d’estime, il est temps de revenir sur ces ambassadeurs du genre « horror metal ».


Snowy Shaw, batteur des légendaires formations suédoises Mercyful Fate et King Diamond ainsi que du groupe de power/doom Memento Mori (auquel a aussi participé Messiah Marcolin de Candlemass) venait de terminer son aventure chez les thrasheux d’Illwill et souhaitait revenir à ses premiers amours. Des premiers amours horrifiques bien sûr mais également ses autres sources d’inspiration. Fan de rock gothique, d’expérimentations, de Kiss et surtout perfectionniste, Snowy souhaitait un univers qui lui soit fidèle autant esthétiquement que musicalement. Véritable hyperactif de la scène comme ses compatriotes Peter Tätgtgren et Dan Swanö, l’homme a activement participé à un grand nombre de projets : Dream Evil, Dimmu Borgir, session chez Nightrage, Therion, The CNK, Falconer, Kamelot etc. Un CV très impressionnant.


Après une démo et surtout un mini-album remarqué (« Coming Soon to a Théatre Near You ») sort enfin ce premier album chez le légendaire label Osmose Productions. Multi-instrumentiste, Snowy s’occupe de tout et embauche comme chanteuse Vampirella ainsi que pour des raisons aussi bien live que cosmétiques un obscur tandem de frères soi-disant jumeaux, prétendus descendants du Marquis de Sade. Cela vous pose un décor. Et c’est justement le décor qui compte chez Notre Dame. Ambiance comics pulp horrifique, érotisme macabre, pages nécrologiques françaises en poster, le layout étant très soigné.


Style ? Horror Metal. Mais comment le définir ? C’est difficile. Il n’y a en réalité pas de description qui tienne la route tant les influences et le mariage des genres metal et hors-metal font partie de l’ADN de Notre Dame. Pourtant, la piste d’ouverture semble rapidement tourner à la parodie : riffing presque black metal, refrain sympathiquement démodé mais téléphoné, on a un peu peur de ce qui va nous arriver sur le coin de la figure et presque à raison : on a un peu le sentiment que Snowy Shaw se moque de nous. Un album grandiloquent ? Totalement, l’ambiance Famille Addams et films de la Hammer renforce cette impression : chuchotements sexy, chants bouffons, déclamations dignes d’un cirque sinistre, tout est fait pour nous retrouver en face d’un Bela Lugosi avec une guitare.


Toutefois, cet univers est homogène et travaillé avec un grand sérieux comme en témoigne le visuel et le soin apporté aux compositions de l’album. Pas un titre ne ressemble à un autre et on se rend compte rapidement que derrière le masque de clown se cache un compositeur de talent. Maniant gothic rock, heavy et black metal en des proportions aussi égales que maîtrisées, Snowy alterne passages bruts de décoffrages avec blast beat, breaks à grands renforts de piano, clavecins et autres images d’Épinal du monde gothique. Une maîtrise telle qu’il devient difficile de savoir quelles influences musicales règnent chez notre vampire ni même quels groupes nous pouvons invoquer. Notre Dame fait du Notre Dame.


Burlesque mais jamais poussif ou dans l’exagération. Jamais le refrain crié de « Bouffon, Bloody Bouffon » n’est à côté de la plaque ni même le synthétiseur de film SF des années 1950 sur « Vlad The Impaler ». Piano macabre, voix d’enfants et Snowy qui cabotine ? On ne rit pas, la forme est d’un pince sans rire mais le fond prépare sérieusement les riffs acérés très black metal de la piste suivante avant de s’aventurer de nouveau en plein pastiche gothique.


Une heure. Une heure de théâtre qui se moque gentiment de son auditeur avant de lui faire oublier l’affront à grands renforts d’effets pyrotechnique. « Faust » ou « Black Birthday » envoient du riff sautillant et on repart pour un tour. On rit, on s’inquiète. Peu importe : « Ooohhhh », la plèbe est impressionnée devant tant d’expérimentations et ce que cherche la magicien à barbe blanche. L’heure du disque passe à toute allure.


Expérimental et novateur, sorte de King Diamond techno-vampire issu d’un épisode de la Famille Addams, Snowy Shaw remporte son pari. Un pari fou et inatteignable dans le monde du metal jusqu’à ce moment : marier le sérieux du noir-et-blanc du metal extrême avec l’acidité drôlatique d’un univers baroque de série B. Le tout dès le premier album.


Chronique originalement publiée pour le webzine Horns-Up

Créée

le 24 août 2021

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