Un voyage dans le temps, ni plus ni moins

Voulzy y a mis le temps, et il a bien fait. Après 10 ans d'absence de chansons originales (deux albums entre-temps, un superbe album de reprises et un disque oubliable sur Rockcollection), il nous revient avec un véritable privilège: avec un peu d'imagination et beaucoup d'attention auditive, c'est une machine à remonter le temps, avec possibilités de retour à l'ère moderne comme au Moyen-Age. C'est sur ce défi artistique admirable qu'il finit par broder une sorte d'album concept, où l'histoire est remplacée par une ambiance générale. Celle d'un désespoir amoureux, d'une quête éternelle d' Absolu, le sauvetage d'un idéal romantique. Une mélancolie se cache habilement derrière ces titres, et rend cet album définitivement à part, à la fois chez son auteur que chez nos disquaires actuels. C'est son chef d’œuvre.
Rien que la pochette... c'est ma préférée. Et sans doute une de mes photos préférées en général. Y' a rien à dire, juste admirer. L'album s'ouvre sur "le tableau", où Voulzy se la joue Gainsbourg (sans le tabac et l'alcool dans la voix). La musique fait office de moteur qui commence à se mettre en route, pour le voyage... et paf, Moyen-Age, château, soleil, nature, et Jeanne ! Rares sont pour moi les tubes justifiés actuellement, et là c'est plus que mérité. Magnifique déclaration d'amour fantôme, symphonie féerique, voix câline, rien ne manque à cette douceur berceuse. Via une transition splendide, nous nous engouffrons dans la forêt. Jeanne y est-elle ? La chanson est en anglais, et on ne peut plus expérimentale et audacieuse. Elle reste donc captivante. Un peu longue cependant, au bout d'un moment. On passe à "En regardant vers le pays de France", mi-français mi-anglais, avec un thème au clavier juste épique. Voulzy nous concocte là une mélodie géniale, sur un texte intéressant. Avec la participation de Nolwenn Leroy pour deux vers. Retour à un son plus "rural", avec "Blackdown", une ballade solaire. Hyper-entraînant, le titre donne vraiment la patate ! Ce seras le dernier, après on rigole plus. Le trésor n'existe pas. "C'était déjà toi". Étonnamment, c'est le seul titre de l'album où les paroles sont bel et bien du pur Souchon, par le style je veux dire. Et cette chanson est magique, magistrale. Du début à la fin. L'intemporalité d'un amour impossible gravé sur disque. Un duo incroyable, une musique extra-terrestre... Beau à chialer. En plus, elle me fait penser à une fille que j'ai connu, pour qui je voue une admiration éternelle. A écouter absolument ! La chanson est typiquement moderne, Voulzy nous ramène au Moyen-Age, mais cette fois en prison (comme son pauvre cœur déçu...), aux côtés d'un vieux poète déplorant son seul bonheur privé, son amour. Là encore, il prend tout le monde à contre-pied, il s'écarte carrément des styles de toutes ses autres chansons, en utilisant juste des chœurs. Alors moi j'ai accroché parce que j'adore ça les chœurs, mais c'est clairement pas le cas pour tout le monde. On plonge davantage dans la mélancolie, avec l'anglaise "Our Song". Une vraie odeur de nocturne, un très bel hommage caché à la Bretagne... et surtout, le pont des cordes, sublime... Quelques sons informatiques à la fin. "Le ciel et la terre", où là nous ne sommes ni au Moyen-Age ni aujourd'hui: nous nous déplaçons. Nous nous dirigeons vers un autre continent, sans le savoir encore. Voulzy décide de partir, voir si y' a une sosie de Jeanne qui serait tout simplement ailleurs. Ça expliquerait qu'il soit instrumental, à part son unique phrase dépressive ("le ciel m'attire, la terre me tiraille... ça change de Amélie Colbert dites-moi !). De nouveau très audacieux, de nouveau un tour de force musical. Il se met à la guitare, tout seul: nous arrivons dans "la Nuit". Nous ne savons pas encore où nous avons attéris. En attendant de le savoir, il nous joue une ballade aux paroles surprenantes et très belles. Sound of silence: un ange passe. Qui est cette ange ? L'aube ou le vent ? A vous de juger.
Et là, attention: "la 9ème croisade". Je vais être clair dès le début: si il y a une musique que j'ai surkiffé dans ma vie, c'est celle-là. Si il y en a une qui m'as fait triper de tous les côtés, qui m'a inspiré, que j'ai exploré, que j'ai écouté en boucle, putain, c'est ce morceau-là ! Mon admiration pour ce titre est sans limites. Comment Voulzy a-t-il réussi à faire ça, c'est pas humain ! les 14 minutes passent pour 3 ! Nous découvrons le décor: désert arabe. Introduction religieux et bruitages. Extase arabe. Ambiance plus intime. Voulzy cause. Ça pète. Et le moment rock est... énorme, sublime, monumental, j'ai pas les mots. Je ne peux tout simplement pas comprendre qu'on puisse ne pas aimer ce passage-là, vraiment. Voulzy est un génie, rien que pour cette chanson. A écouter absolument aussi.
La dernière chanson est aérienne. "J'aime l'amour" que, contrairement à ce que son titre voudrait faire croire, parle d'une déception ultime. Il n'y a plus de Jeanne en ce monde. Il faut y renoncer, et il y renonce. J'aime l'amour, sans retour... J'interprète les chœurs comme étant sa mort dans le désert... peut-être que dans l'au-delà, il rencontrera enfin sa Jeanne... la chanson en elle-même est très belle, avec des paroles complexes ce qui est quand même très rare chez Voulzy. Elle a en plus le pouvoir de provoquer un rapide diaporama de toutes les autres chansons du disque !
Par contre, incompréhension totale: pourquoi il fait éterniser (et là, pour le coup, l'expression est à peine exagérée !) les chœurs à la fin ?? Ça sert à quoi de faire ça ?? Qui est resté jusqu'au bout ??
Album maîtrisé de bout en bout, révolutionnaire avec discrétion, plusieurs lectures possibles, toujours passionnant, jamais ennuyant. Un de mes sommets musicaux, tout simplement.