Ah, Renaud... comment résumer sa renommée ? C'est le seul chanteur français à avoir carrément eu droit à son propre jeu vidéo... c'est aussi le seul capable de vendre des milliers de disques sur son seul nom à l'heure actuelle, même si c'est plus vraiment ça. Le Renaud d'aujourd'hui apporte de l'empathie, au mieux, de la part des anciens, et les fans absolus le suivent plus par solidarité nostalgique que pour ses nouvelles chansons. Et pour ceux qui le découvrent, ben... Toujours vivant, rassurez vous... Toujours la banane, toujours debout... Euh... C'est triste quand même: Renaud avait pour réputation de mordre là où on voulait tous mordre, et en vieillissant, il a perdu toutes ses dents. Et désolé, ce n'est pas tant une question d'alcool ou de vieillesse qu'une question d'intégrité. Un exemple: Saez.
Donc non, décidément, vaut mieux rester avec le bon vieux poto d' avant, le Renaud au blouson de cuir et au cœur tendre ! Ce quatrième album est le premier magistral de sa carrière. Dès le début, dès le premier accord à la guitare sur "Marche à l'ombre", c'est l'éclate. Avec ce titre, il rend hommage à l'argo, aux bistrots et à la Jeunesse avec un humour digne des meilleurs comiques. Sa passion pour les gens est évidente, en témoigne sa caricature de Gérard Lanvin avec "les aventures de Gérard Lambert". C'est une des très rares chansons que je connaisse que je pourrai décrire de cinématographique. Ce serait carrément une chanson d'aventure ! La musique de Raval est épique. "Dans mon HLM", qui ne décrit même plus une seule personne et quelques guignols mais carrément tout un immeuble, est à part dans sa discographie. En effet, je crois que c'est la seule qui a un crescendo musical total, comme si on montait les escaliers avec lui, et ce sur plus de 6 minutes. Les paroles sont grinçantes, basées sur une visite dans l' HLM de son frère, et sont impeccables. Et putain, quel son rocker ! "La teigne" tranche, beaucoup plus acoustique. Si j'aime vraiment le texte, avec ses trouvailles inattendues (J'suis qu'une pauv' teigne, fallait y penser !), la mélodie n'y est pas vraiment, et on sent bien qu'il en a un peu marre de ses personnages de loubards. "Où c'est qu' j' ai mis mon flingue", typiquement une chanson que l'on pond en pleine rage sur un coup de tête, est un coup de gueule comme il en existe peu dans la chanson française. J'apprécie le clin d’œil à Gainsbourg, et ça balance avec jubilation. Il se calme et retourne à la déconnade avec "It is not because you are". Moi qui suis nul en anglais, là, ça va pour la traduction. Encore une merveille d'écriture, et la musique est délicatement anglaise. "Baston !", particulièrement désespéré (d'ailleurs, son compositeur plongera dans la drogue), me convaincs moins. Ça devait être d'enfer en live, mais sur studio, ça passe moins. "Mimi l'ennui" continue dans le Désespoir, sur un portait beaucoup plus juste. Il est très facile d'imaginer cette pauvre petite femme dévorée par sa mélancolie. "L'auto-stoppeuse" n'est clairement pas là pour faire dans la dentelle et dans la poésie. Et on s'en fout. C'est difficile de ne pas le reprendre ! Il termine sur "Pourquoi d'abord"... et, bizarrement, c’est sa chanson la plus mystérieuse. Il fait tellement bâclé qu'on se demande si c'est fait exprès. Et si c'était sa volonté, où était l'intérêt ? Et pourquoi j'aime quand même cette connerie sans savoir pourquoi ? Un mystère Renaud de plus !
Un de ses meilleurs disques, assurément. L'un des sommets d'un mythe qu'à chopé plein de poussières.