Partons sur le premier constat, ce premier album est une réussite. C’est pas négociable. Plusieurs points, autant techniques que sentimentaux, font que j’ai un coup de cœur pour cette œuvre.


Premièrement, le contexte. On a là la première galette composée (si j’ai bien compris) en très très grosse partie par Baptiste. Issu de la plus pure autoproduction, et après un travail constant et appliqué (grosso modo une bonne année de travail de la première ligne écrite jusqu’à la mise en ligne, à un rythme d’une maquette par semaine), cet album est sincère, cohérent et par conséquent attractif.
J’ai écouté le skeud une première fois, puis une deuxième, puis une troisième, toujours avec beaucoup d’attention. J’ai vraiment eu l’impression que Baptiste me livrait à travers son CD un compte rendu condensé de plusieurs mois de compositions, d’un travail personnel et abouti.


Ça n’a pas manqué : comme dit plus haut, l’ensemble est cohérent au possible. En 11 titres, j’ai réussi à être complètement absorbé et concentré. Pourtant, ce n’était chose facile : le style musical est relativement éloigné de mes habitudes de punk-rocker francophile, il m’est pratiquement impossible de citer des références évidentes. C’est un rock qui m’évoque pas mal de mélancolie, la voix y est basse, les couplets sont guidés par une guitare clean très mélodique par forcément très forte mais toujours déterminante (je pense à By Surprise, mais il n’y a pas qu’elle, loin de là), les chœurs s’ajoutent, tantôt se complètent, tantôt se répondent. Le premier titre et son dernier refrain, You Wanted to Wait, représente assez bien ce backing ultra-efficace, bien construit et intelligent pour conclure le morceau.


Baptiste est un gratteux de formation, et on le sent du début à la fin de l’album : chaque morceau se prête à une partition guitare des plus jolies et astucieuses (alors, ne me demande pas de détailler « astucieux », c’est ce qui résume le mieux ce sur quoi je galère à mettre un mot). C’est clairement l’instrument (ainsi que la voix) qui porte l’ensemble des titres et les caractérise. Le duo voix-guitare ne fait jamais tâche. Ça semble évident dit comme ça, mais dès qu’on a des rythmiques basées sur des fondamentales régulières (et pas un gros riff caractéristique), on a vite fait de composer un chant plan plan et un titre chiant. Donc, rien que pour ça, bien joué !


En ce qui concerne la voix, elle est généralement dans une tonalité assez basse (peut-être même un peu trop parfois ?), mais propose de temps à autres des variations hyper bien gérées, tels que des passages beaucoup plus haut sur moult chœurs ou encore des parties où la voix est légèrement forcée (All night me vient en tête, et sur les deux plans pour le coup).
J’ai l’impression que beaucoup de choses ont été tentées au fil des titres, et c’est globalement réussi. Je pense en premier lieu à l’excellent Rust. Nom de dieu, un violoncelle ! J’ai été directement conquis par le morceau. Sa construction est très bonne, j’ai absolument rien à redire. Tout est pertinent, bien amené et bien conclu. Et bordel, un violoncelle ! Le mélange est réussi. C’est certainement le premier titre phare que je retiens de l’album.


En parlant de titre phare, By Your Eyes se place là. Je salue encore une fois l’efficacité de la construction. Dans les faits, les fondamentales sont répétitives (c’est pas un défaut !), mais l’ensemble est tellement bien agencé ! Ce genre de titre, bien que simpliste au premier abord, est terriblement puissant et reste dans la tête. Il m’a largement fait pensé à Go with the flow de QOTSA, avec ses chœurs sur le refrain.


D’autres suggestions n’ont pas toujours cette pertinence cependant : je fais notamment référence à certains couplets construits en bonne partie sur les coupures rythmiques, le placement de blancs, silences, voix seules etc. A mon sens, ce n’est pas forcément pertinent sur des titres tels que You Wanted to Wait, mais c’est au contraire plutôt intéressant sur In Front of Me (notamment avec cette ligne basse durant les couplets) ou encore le couple basse-batterie des couplets de Before Dawn. Même si, personnellement, je fais le reproche à certains breaks de batterie de ne pas assez se mettre assez en valeur (je pense à certains passages de Into Our Sea ou Too Late), l’idée de les placer reste bonne. Je pense que c’est surtout une question de feeling lors de la composition, et ce genre de « défaut » (je paye mes guillemets pour l’occasion) s’estompera très certainement avec le temps et l’habitude de collaborer avec la même équipe.


Je vais d’ailleurs conclure là-dessus : je dirais qu’évidemment ce premier album a ses défauts. Mais ils sont honnêtement minimes lorsqu’on les compare à l’énorme volonté de bien faire qui transpire à chaque morceau. Absolument rien n’est bâclé. L’album est bourré de qualités et de choses prometteuses. Même ses défauts se transformeront à coup sûr en qualité sur le prochain opus. Sur des premiers albums, on peut tomber facilement dans certains pièges, se laisser aller, choisir la facilité, et se retrouver avec une galette inhomogène, où on retiendra volontiers les pistes 2 et 7, et où on sautera le reste. Là, c’est pas possible.
Cet album rentre dans ma discographie, et particulièrement dans la catégorie des œuvres que j’écoute de A à Z, et pas simplement pour faire bruit de fond. Bref, cet album fait partie de mon top 5 imaginaire des meilleures surprises de l’année passée.


Félicitations, et impatient de voir si le projet peut se concrétiser en live.

Tikoud
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le 22 févr. 2016

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