Nous sommes dimanche et demain les cours reprennent. Le réveil indique qu’il est 23 h 40 et malgré tout je n’arrive pas à trouver le sommeil. À cette période là il faut reconnaître que je suis une personne lambda, qui n’écoute pas que très peu de musique, seulement ce qui passe à la radio sur NRJ/le mouv’, c’est-à-dire par définition une merde ambiante qui inondent les ondes. Comme quoi certaines choses ne changent pas. Je décide pour passer le temps et en attendant de trouver le sommeil, d’écouter de la musique avec un vieux Walkman radio-cassette qui traine dans le tiroir de ma table de chevet. Il fonctionne encore, mais pas de cassette. Bon tant pis, voyons ce qu’il y a à la radio. Skyrock…non, le match de foot ce soir-là avec Eugene Saccomano est terminé…Tandis que mes doigts font tourner la mollette alternant entre musique classique et grésillements sourds, j’arrive au hasard sur France Inter. La voix d’un présentateur qui zozote un peu m’intrigue, sa phrase d’entré aussi « C’est encore l’heure de se dire bonsoir, c’est déjà l’heure de se dire bonjour ». Avec lui, un artiste que je ne connais pas, Arnaud Rebotini. Ce dernier vient pour la sortie d’un album de remix issu de son premier album solo, Music Components sur Citizen Records. Soit, cela a l’air intéressant. Une petite présentation de l’invité, quelques news auxquelles je ne prête qu’une légère attention. Mais soudain vient le premier morceau, The Swamp Latz. Et là bim, gros uppercut dans ma gueule de jeune inculte vierge de toute musique électronique, hormis Daft Punk, Benny Benassi et un vieux cd « les nuits trances vol. 2 » donné par un cousin, c’est pour dire. Ce synthé vient bourdonner dans mes oreilles qui ne demandent que ça que de se faire déflorer par cette techno lourde et puissante. Les kicks viennent pulvériser mes tympans, j’augmente le son pour mieux m’en imprégner, au fond de moi-même je me dits « bordel mais c’est quoi cette musique ? Mais c’est qui ce mec à la voix grave qui répond aux questions de l’animateur ? Comment cela se peut-il ? » Je crois halluciner. Les remix qui suivent de 1314, 777 et d’un Cheval D’Orgueil ne me laissent aucun répits. Les morceaux passent imprimant une marque indélébile à coup de kick et de snare agrémentés de ces basses ténébreuses. Je n’arrive pas à rester tranquille dans mon lit, tant cette musique analogique arrive à posséder mon corps. Hélas après une heure, l’émission se termine. Je n’ose plus bouger, je suis sous le choc véritablement. Après quelques minutes à essayer de reprendre mes esprits, il est évident que je ne dois pas en rester là, je dois absolument réécouter ces morceaux, cet album Music Components, cela en devient presque vital. Je me lève, je monte ces escaliers en bois qui grincent, j’allume l’ordinateur familial, vite dépêche toi ordi de merde. Je lance internet et je tape « Arnaud Rebotini album », trois mots clefs qui vont me permettre d’arriver au Saint Graal : le site de l’album. A l’écran apparaissent des machines étranges en noir et blanc, avec de multiples boutons et des claviers. Merde c’est avec ça qu’il fait cette musique ?! Rencontre frontal sans préliminaire avec des TR-808,TR-909, JUNO-60, ARP Odyssey, des Korg Mono/Poly et autres merveilles. C’est le soulèvement des machines, l’humanité en moi a peur car elle se sent prête à être exterminée. Je clique fébrilement sur play. The Spirit of the Boogie m’alerte de ce qui va arriver, the Swamp Waltz revient vers moi une deuxième fois, pour mieux m’achever il faut croire. Horns of Innocence avec ses nappes sombres me laisse un peu de répits mais pour peu de temps car les hostilités reprennent avec un trio d’enfer qu’est Conakry Filter Sweep, 777 et Decade of Aggression. Des assauts irrésistibles auxquels il est difficile de résister, et qui vont bouleverser mes oreilles avec ces kicks dévastateurs et ces lignes de synthé qui n’en finissent plus. Mnll vient fermer la marche pendant 10 longues minutes de techno délicate, froide et poétique.
Il est 3 h 00 du matin, je n’ai toujours pas sommeil mais cette fois-ci je sais pourquoi. Tout simplement parce que ma vision de la musique vient de radicalement changer. Car Arnaud Rebotini a signé cette année là un album complexe à contre-courant du tout numérique, un retour aux sources de la musique électronique, celle qui est brute et sans concession.
Difficile pour moi d’être objectif avec cet album car il a su provoquer en moi une révolution qui n’aurait peut-être jamais pu se réaliser si mes égarements radiophoniques n’avaient pas croiser ce soir là sur les routes sonores, le chemin d’Arnaud Rebotini à bord de cette émission novatrice qu’est feu Electron libre. Il m’a permis d’entrer dans le monde de la musique électronique je crois de la plus belle des manières, et oui rien que ça.