Bleu Horizon

« J'aimerais raconter les glorieux couchers de soleil qui embrasaient
le ciel quand nous faisions route au sud-ouest. Parler de ces couleurs
trop riches et trop intenses pour les mots, qui s'enflammaient quand
le soleil sombrait sous l'horizon, parant notre route d'or, de pourpre
et de rose, d'émeraude, d'améthyste, de topaze et des teintes de mille
fleurs. Alors le ciel était un océan d'une merveilleuse beauté sur
lequel croisaient des vaisseaux féeriques aux voiles dorées, avec des
oiseaux de paradis aux couleurs magiques, des îles enchantées
couronnées de montagnes de pierre précieuse et des sommets coiffés de
feu.”

Raymond Rallier du Baty, Aventure aux Kerguelen

Emeralds groupe de musique électronique originaire de Cleveland (2006 à 2014), composé Mark McGuire, John Elliott et Steve Hauschildt, a toujours suscité chez moi beaucoup d’admiration, d’émerveillements et d’attention.
Depuis la création d’Emeralds, le groupe a su marquer l’horizon de la musique électronique contemporaine en étant très productif avec pas moins de quatre albums et de très nombreux EP à leurs actifs avec toujours cette volonté d’offrir à l’auditeur une musique électronique et organique avec cette pointe de candeur et de nostalgie qui leur est propre. La guitare de Mark McGuire associée aux nappes électroniques de John Elliott et Steve Hauschildt fait de ces expérimentations sonores des œuvres singulières. Le mélange qui en ressort est toujours intemporel et délicat. Il me semble que nul ne peut être insensible à ces moments de musique.

Sur cet album, What Happened sorti en 2009, on peut souvent lire que le trio est à la poursuite d’une musique passée, celle des années 70s, celle de Tangerine Dream, celle de Klaus Schulze, celle d’autres illustres compositeurs de cette mouvance mais au contraire je crois étrangement que leur musique est beaucoup plus tournée vers l’avenir, tout en conservant une attache, comme une reconnaissance à ce passé glorieux notamment dans l’utilisation des synthétiseurs vintages.
Le trio prend son temps à introduire, à mettre en place chacun des titres qui composent cet album et ce n’est pas un mal, car la musique d’Emeralds à besoin de temps pour être appréhendée, pour être savourée, pour y découvrir toutes les variations vaporeuses.
L’introduction « Alive in The Sea of Information » est à la fois très expérimentale et organique, permet de se faire une jolie idée de ce qui nous attend au détour des improvisations sonores. Damaged Kids, débute par une introduction brute pour ensuite s’ouvrir sur une longue descente noise, vacillante et étrange. La suite n’est qu’une envolé vers les hauteurs, avec notamment le bien nommé Up In The Air, pour mieux enchainer avec les somptueux Living Room et Disparing Ink. Deux morceaux qui font la part belle à la parfaite harmonie entre la guitare et les modulations brutes des synthétiseurs, qui au fil des minutes vont prendre plus en plus d’importance et vont venir s’imposer sans brusquer dans nos oreilles. Disparing Ink propose une conclusion brillante, au propre comme au figuré, et vient achever dans une dernière vague drone, une œuvre magique et intemporelle.

Riche mais également intimiste. Une musique de contraste entre la guitare douce et épurée d’un coté et de l’autre les synthétiseurs ronflants et crépitants. Emeralds avec cet album mais également avec l’ensemble de leur discographie, nous offre une musique éthérée, pleine de lumière et de couleurs qui vient laisser une traine phosphorescente dans notre esprit, à tout jamais.