Sans un bruit un peu comme un fantôme livide traînerait son voile diaphane sur un parquet poussiéreux la limousine « Noirsferat » remontait l'allée gravillonnée annoncée par deux fanions à la pointe de ses ailes. Oiseaux de mauvais augure flottant gracieusement, messagers morbides au logo rouge sang. Le rouge et le noir ! Il faisait presque nuit, "entre chien et loup", un moment clé où les forces obscures se préparent pour une noirceur profonde mouchetée d'étoiles naissantes, déclinantes, mourantes. Le Soleil s'inclinait lentement pour sa révérence à la Nuit. Il dardait ses derniers rayons de vie, s'accrochant comme il pouvait, luttant comme un beau Diable pour ne pas laisser l'écran noir s'installer. Contraire, négation, antithèse, refus impuissant de la lumière qui s'éteignait peu à peu, une bougie terminée à la cire coulant d'une plaie atroce et béante. Le ciel flamboyait ses derniers instants à travers les nuages épais mais déchirés par l'épée des rayons tranchants et laissait encore apercevoir de petits bouts de bleu, vestiges de couleurs qui seraient bientôt englouties. Disparues ! Grisaille : morne prélude, triste présage. Comment imaginer en regardant la beauté d'un ciel de crépuscule ou deux entités contradictoires s'affrontent que l'une d'entre elle pourrait gagner détruisant ainsi tout ce qui fait vie sur une pauvre petite chose qu'on appelle planète. En ces derniers jours de Mai, le dernier pour être précis, l'air était électrique, lourd et bourdonnant tel un insecte hideux qui n'existe qu'au plus profond des cauchemars. Un insecte enfanté par le néant et venu pour avaler toute chose. On sentait des vibrations tout autour du véhicule imposant, l'air semblait se déchirer, refluer comme si la masse de métal traversait une succession de portails dimensionnels luttant pour rester dans l'espace terrien et le parcourant par intermittences fulgurantes. Un aéroglisseur glissant dans un silence irréel. Etre là sans être là ! A l’approche du bâtiment le vaisseau de fer s’arrêta net, sans ralentissement préalable et se mit à clignoter, disparaissant apparaissant comme s’il hésitait sur sa destination. N’importe quel observateur avancerait vers la folie devant une scène si calme mais si intrigante. Ce petit jeu d’interrupteur fou dura une bonne minute puis cessa aussi rapidement qu’il avait commencé. Une odeur de cendres s’imposa alors et un énorme nuage masqua définitivement l’astre de lumière. La voiture était là en contre plongée d’une bâtisse ancienne aux murs couverts de plaques sombres, religieuse mais sans foi. Une haute tour à clocher flammé couverte d’ardoises charbonneuses s’élevait. Soudé à elle un édifice triangulaire plus vaste dont le faîte atteignait la base du toit de sa voisine agrémenté d’une rosace gothique et d’une haute fenêtre tryptique semblait attendre. Cette façade singulière laissait deviner d’autres surfaces étendues en arrière et donnait au lieu une atmosphère oppressante. La porte double encastrée sous une avancée boisée de la tour semblait inhospitalière.
Un bruit métallique feutré et la porte du conducteur s’ouvrit. Un chauffeur en livrée pourpre profond descendit. Il portait une petite mallette arborant le même signe rouge que les fanions de la limousine. En quelques pas secs et rapides il fut sur la portière arrière droite et l’ouvrit prestement. Une forme humanoïde de très haute stature revêtue d’une robe de bure brune, capuchon rabattu sur le crâne se dressa ou devrait-on dire se déplia saisit l'objet des mains du chauffeur et se dirigea vers l’entrée. Son déplacement n’était pas naturel mais inhumain glissant, flottant sur le sol ou au long des quelques marches qui menaient à la double porte de la tour. Sans aucun signal les deux battants s’écartèrent livrant passage au moine voûté. Dehors le chauffeur attendait debout raide comme un piquet, les pieds dans une flaque où se reflétait son visage de cire.

SombreLune
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le 8 mai 2019

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