Récemment et par l'entremise d'un passionné de musique, j'ai appris que « Private city » venait à la base d'une commande pour un ballet chorégraphié par Susan Crow.
J'avoue que je n'aurais cherché aussi loin mais bien évidemment à l'écoute de la musique, tout coule naturellement de source. Et peut-être est-ce parce que je suis toujours autant épaté par une telle fluidité que je reste à me prélasser de bonheur dans cette musique, n'allant pas creuser plus loin. La peur inconsciente aussi de déflorer le mystère d'une telle beauté ? Probablement aussi, allez savoir.
Parce que, et comme bon nombre de disques de John Surman en fait, j'adore "Private city".
Peut-être même que je le sur-adore vu qu'il s'agit probablement de mon œuvre préférée du bonhomme avec « Road to St Ives » qu'il livrera deux ans plus tard. Ici, j'y vois une véritable ambiance de film noir pensée et voulue de bout en bout ressentie aussi bien tant dans la musique que le visuel. Rien que la photo noir et blanc de la pochette avec ces gens photographiés de très haut en plongée comme si on était sur un building années 40-50, le tout encadré sur un fond violet foncé-gris annonce bien la couleur.
Avec un certain sens du romantisme et de la mélancolie tout le long qui plus est.
Dans les œuvres du bonhomme on distingue généralement des œuvres en collaboration et ses disques en solo où il s'en tient généralement à coupler mélodies hypnotiques et en boucle conçues sur synthétiseur la plupart du temps avec des improvisations plus ou moins contrôlées (je suppose qu'il doit enregistrer la meilleure prise obtenue lors de son flow à l’instrument. Pas évident du coup en live de restituer la magie de tel ou tel moment je suppose) au saxophone ou à la clarinette.
Ici donc il est sur cette poignée d'instruments que l'on compte à peine sur les doigts de la main. Cela pourrait être austère, ça n'en est que plus magnifique : le minimalisme pour dire les choses en grand. Et toutes les pistes s'enchaînent en frôlant le parfait de bout en bout évoquant à chaque fois un climat et une ambiance différente. Jugez plutôt.
De la délicatesse presque timide de "Portrait of a romantic" en ouverture à la magie éthérée de "On Hubbard's hill", au mystère de "Not love perhaps", aux passages inquiets (et inquiétants ?) de "levitation" et "undernote" (sortis d'un film noir je vous dis !), aux regrets de "The wanderer", à la démarche pragmatique et passionnante de "Roundelay" (un pas de danse quoi) et enfin "The wizard song" qui conclut magistralement le disque (chez Surman, les premières et dernières pistes sont toujours de grands moments), fascinante, noire, magique, planante...
Surman, l'homme qui souffle le vent des notes à travers les grands buildings avec l'ombre d'un génie géant méconnu à découvrir et redécouvrir encore et encore.
Quand à ce disque ? Du grand art.