Pour commencer, qui sont Ol'Kainry et Dany Dan, alias Boug Dyf et le Pape de Boulogne (pour les intimes) ? Pour ceux qui ne le sauraient pas, Ol'Kainry et Dany Dan, c'est 20 ans de carrière dans le game, un classique sorti en 2005 ("Crie mon nom"), du flow, et un style revendiqué américain à l'extrême. Ol'Kainry et Dany Dan, c'est le Old School dans le New school, c'est l'incarnation même de l'esprit "Peace, Love and Having Fun" qui collait si bien au Hip Hop du Golden Age. Tous les passionnés de Old School attendaient fébrilement cet opus, dont la couleur plutôt "classique new-yorkais" s'était déjà annoncée avec le remix de "Bring the pain". Malheureusement, on est bien loin d'un "Enter the 36th chamber" ou d'un "It was written". "Saison II" s'écoute comme un bruit de fond, et une fois arrivés au dernier track, on se rend vite compte que l'on n'a rien retenu, rien appris, et rien gardé de l'album.
Quand les morceaux ne sont pas des déballages de flow et de rimes grossiers, les thèmes principaux ne sont ni banales ni répétitifs comme on pourrait le reprocher à de nombreux rappeurs. Non, cette fois ci, pas de *sexe, drogue, cités et armes* en abondance. Avec Dyf et Dan', c'est plutôt : une mauvaise blague sur une fille quelconque tombée dans une "flaque de pisse, caca de chien" ("Lalala"), la nostalgie ("#YoMTVRap" ), et un fantasme sur la présentatrice de la météo ("Miss Météo"). Je le répète : ni banale ni répétitif. Plutôt farfelu, ou original.
La technique qui rendait Ol'Kainry si fier et Dany Dan si connu est également décevante : sur "Feuilles volante", le solo de Dyf, on s'attendait à bien plus que 5 vulgaires couplets de 8 mesures complétés par un refrain fade constitué de la même phrase répétée 4 fois. On s'aperçoit facilement que les deux compères ont perdu de leur vivacité quand on entend des phases comme "On ne va pas de A en A mais de C à C" (??), "Shimi shimi yo, yipiyo, yipiyé, jai les- jai les crocs, p'tit couillon, enculé", ou encore "J'ai tellement le barreau que mon zizi m'frappe le visage".
Dany Dan ayant fait parti du collectif Beat de Boule, nous étions en droit de nous attendre à quelques featurings avec des Grands du rap (Zoxea, Malekal Morte..) ; pourtant, sur "Classic shit", le seul morceau où d'autres rappeurs sont présent, on ne retrouve qu'un Tito Prince dépourvu d'originalité, un Busta Flex en dessous de tout, un Disiz insignifant et un Lino fatigué.
Les influences se veulent américaines, et on retrouve effectivement un arrière goût de "Cold wind blows" sur "Quand les tontons flinguent" ; "Déglingos" est une sorte de "Backseat Freestyle" ou de "6 foot 7 foot" à la française et il ne va pas sans rappeler que l'un des titres phares du projet est un remix sur une instru de Method Man. Pourtant, pour atteindre un tel niveau de mièvrerie sur "Où est le love", les deux associés ont forcément dû passer par Team BS ou par le denier Disiz (ce qui expliquerait le choix des featurings).
En conclusion, malgré la légende de Boug Dyf et Dan, les espoirs sont gâchés. A vouloir créer un son durable aussi Old que New School, les rappeurs ont conçu une sorte de milk-shake indigeste où la mauvaise qualité de production des Nineties se mélange à l'absence de thème ou de storytelling du rap actuel. Les prods sont fades, sans goûts. Aucune ambiance n'a cherchée à être créée.
Malgré tout, pour moi c'est un 6, car le flow est présent et l'album est toujours plus travaillé qu'un Jul ou qu'un La Fouine.