"Paroles d'un utopiste qu'a plus d'estime pour tous les doyens"
Après un « Soleil d’Hiver » nous laissant sur notre faim et un « Nouveau souffle » ayant peu de mérite, Georgio revient avec un nouvel opus cette fois ci beaucoup plus soigné, introspectif, et mature.
Dès les premières secondes, on sent un changement de style immédiat : le rappeur du XVIII en a fini avec les samples amers et froids de « Soleil d’hiver » et se dirige vers un style instrumental bien plus lisse et profond, comme en témoignent les lignes de synthé de « A l’abri », le titre éponyme de l’EP. On ressent également cette maturité fraîchement acquise dans des titres comme « Le Gardien » ou même l’excellent « Rope a Dope », où le jeune homme préfère une grosse caisse fat, une basse statique et un chœur de femme curieux à une énième de ces percussions poussiéreuses qui nous frustraient tant sur ses deux derniers disques. La seule tâche instrumentale de l’album reste « Blackjack », qui malgré un refrain très réussi, n’arrive pas à charmer nos oreilles avec sa boucle grossière et son accompagnement tentant sans succès d’imiter l’ambiance frénétique de certains films de gangsters Las Vegassiens.
Les thèmes ont toujours été le point fort de Georgio : dans « Soleil d’hiver », on se délectait de l’atmosphère sombre et sordide que le rappeur dépeignait sur son cher quartier du XVIII, et on s’émerveillait sur les quelques joyaux rapologiques et autocritiques que l’on pouvait trouver. Georgio a toujours été un excellent rappeur, et cet EP confirme une fois de plus sa réputation : on ne peut qu’admirer le texte profond et lugubre de « Enigme », les rimes dures et puissantes de « Rope a Dope » ; mais la perle de l’album en terme de technique reste « Le Gardien », une histoire vraie, tragique et tirant sur le glauque décrivant le misérable univers d’un gardien d’immeuble jouant aux poupées à ses heures perdues.
« A l’abri » est une sorte de bulle de souvenirs et de nostalgie parfois tendre et parfois dure sur la vie d’un jeune garçon à peine adulte sortant tout juste de sa cité pour découvrir le monde à travers sa feuille et son micro. Au fur et à mesure des titres, on sent les questions, les doutes et la culpabilité qui rongent le rappeur et qui nous font réfléchir. Mais si les textes s’écoutent avec un plaisir proportionnel à leur qualité, l’EP ne décolle pas de la moyenne actuelle du rap français en terme musical, et les notes de piano tristes sont à la longue franchement ennuyeuses ; néanmoins c’est avec espoir que je lui accorde un 7 et le recommande à tous les amateurs de rap, que ce soit dans les textes ou dans les instrumentales.
Critique à retrouver sur http://highcloudblog.wordpress.com/ .
