Kishi Bashi, de son vrai nom Kaoru Ishibashi, est un habitué des grandes odyssées. Son violon et ses claviers comme gouvernail, l’Américano-japonais navigue avec panache au sein des formations dans lesquels il passe, à l’instar d’Of Montreal ou de Jupiter One. C’est que l’homme n’est pas du genre à tenir en place : de formation classique au départ, il obtient une réputation mondiale en tant que violoniste, mais se reconvertit rapidement lors du lancement de sa carrière solo. « 151a » inaugurait une rayonnante cérémonie indie rock teintée d’accents pop. Le royaume enfantin et enchanteur de Kishi Bashi est de nouveau convié pour ce troisième album, « Sonderlust », paru en 2016.
Les ingrédients restent les mêmes pour le troisième opus de la carrière d’Ishi(Bashi), album de la maturité selon les grandes incantations de l’art musical. Or, l’interprète se fout bien des règles et perpétue dans « Sonderlust » sa quête fantasque. Il poursuit ses propres réjouissances sonores, haranguant ses mélodies sucrées contre vents et marées. Qui a dit que la maturité ne pouvait pas correspondre à la jubilation de demeurer enfant et de consommer tous les plaisirs de l’âge tendre ? En éternel Peter Pan, Kishi Bashi exploite toutes les possibilités de ses visions infantiles. Conciliant songerie et espièglerie, l’album est une suite ininterrompue d’onirisme rose bonbon. Le chanteur fait l’usage d’une voix remarquablement maîtrisée et orchestre avec précision des hymnes efficaces. « Flame on Flame (a Slow Dirge) », « Can’t Let Go, Juno » ou « Honeybody » témoignent de l’aisance du frontman aux ritournelles vocales plaisantes. L’ouverture de l’album (« m’Lover », « Hey Big Star ») est taillée dans une roche pop dansante et entêtante, voire écœurante à l’écoute des couches de synthétiseurs et de voix. Effectivement, gare au piège des séries de claviers omniprésentes et légèrement étouffantes. A cela, « Say Yeah » réserve un relatif moment de sveltesse auditive appréciable, Kishi Bashi délaissant un remplissage sonore irrespirable. Néanmoins, le point d’orgue de l’album réside dans le duo « Ode To My Next Life »/ « Who’d You Kill » où l’on découvre un Kishi Bashi à la jonction entre l’impétuosité et la roublardise. Les deux morceaux constituent une formidable fresque, et distance aisément les autres compositions.
Troisième album, album de la maturité ? Kishi Bashi démontre toutes ses qualités et un tempérament d’une formidable fraîcheur badine. « Sonderlust » présente toutes les facettes d’un artiste dont les motifs musicaux sont immédiatement reconnaissables, facteur d’un grand respect à avoir à son égard. Malgré cela, force est de constater que l’album expose aux oreilles une flot d’incontinence synthétique qui, plaisant à certains moments, peuvent être rédhibitoires quant à son odyssée. Kishi Bashi parvient néanmoins à ajuster le tir, dont la balle vient se loger non loin du cœur de notre enfance.