Il y a toujours eu quelque chose de particulier avec ce groupe, entre ceux qui protègent jalousement son existence et les autres qui n’en ont jamais entendu parler, poussant certains chroniqueurs à l’affubler du titre de « Secret le mieux gardé de la Couronne » il y a quelques années.
Il faut sans doute mettre en corrélation la qualité vantée de leur musique et leur relatif anonymat avec la surprotection que l’on accorde parfois à certains groupes et certaines œuvres, tellement aimés que l’on se refuse bien égoïstement à les partager, comme par souci de préserver un territoire vierge dont on redouterait qu’il soit souillé ou corrompu. À titre personnel, il m’arrive assez peu de recommander Lanterns on the Lake, ne sachant jamais si l’osmose pourrait être identique avec d’autres auditeurs, si le charme agirait si violemment.
Écouter Lanterns on the Lake, pour moi, revient à ouvrir les yeux au bord d’un étang, assis sur un ponton à l’aube, alors que les rayons du soleil percent à travers les branches d’arbres au loin pour venir caresser les roseaux, dissipant les volutes de brume et promettant une journée de printemps resplendissante...un jour d’enterrement.
À la fois superbe et triste, étincelante et mélancolique, vaporeuse et planante, la musique de Lanterns on the Lake n’a pas fondamentalement changé pour leur quatrième album. Tout au plus remarquera-t-on que le groupe a encore affiné son savoir-faire, sa science de la précision, déployant avec maestria une technique formidable et une richesse instrumentale bienvenue. Indéniablement, le groupe a appris à soigner ses effets et torture les émotions de l’auditeur avec bien plus de subtilité. Ce que l’on a perdu en puissance, on l’a gagné en justesse avec des montées trouvant l’équilibre parfait entre plaisir et frustration, poussant à la réécoute.
Dans un registre onirique et éthéré, Lanterns on the Lake n’a pas son pareil pour charmer, planter ses griffes dans le cœur, arracher les larmes pour mieux les lécher et soigner son auditeur.
C’était déjà acquis, mais la belle et délicate Hazel Wilde est devenue la seule et unique voix du groupe. Son timbre reconnaissable entre mille en a fait la pièce essentielle d’une formation anglaise tellement confidentielle qu’on en vient à désespérer de la voir un jour percer pour récolter des lauriers à la hauteur de la qualité de son travail. Pourtant, immanquablement, cruellement, elle décoche ses flèches et fait toujours mouche, sans jamais se décourager.
Cinq ans après un Beings magnifique que le groupe avait voulu plus efficace et percutant, Lanterns on the Lake a semble-t-il abandonné l’idée de séduire le grand nombre et s’est retourné vers ce qu’il fait de mieux : une musique constamment en équilibre entre fragilité et puissance, fuyant la facilité et cherchant le chemin tortueux vers le cœur qui se serrera immanquablement lors de l’écoute.
Ce qui était au début une tentative hautement contestable consistant à protéger un groupe profondément aimé pourrait donc finir par leur coûter leur survie. Alors peut-être que sur la base de cette recommandation qui n’a pour elle que la sincérité, le lecteur pourrait donner une chance à Lanterns on the Lake, en optant pour l’un ou l’autre de leurs albums. Peu importe lequel, ils ont été touchés par la grâce et excellent depuis leurs débuts.
En tout état de cause, avec ce Spook the herd, le groupe tutoie une fois encore la perfection et a réussi à faire danser mon âme, à la faire briller quand tout s’était obscurci.