Jackson Conti n'existe pas.
C'est un musicien fictif, né d'une rencontre improvisée autour d'une passion de la musique partagée par Otis JACKSON Jr et Ivan CONTI. Dit comme ça, on voit bien que ça n'arrange pas vraiment les chose pour qui veut comprendre qui se cache derrière ce pseudo.
Disons plutôt que nous avons d'un côté, un producteur californien de hip hop, très prolifique, toujours plein de projets dans la tête. Madlib, car c'est bien de lui qu'il s'agit, s'est rendu au Brésil, à Rio de Janeiro, histoire de produire quelques remixes, et en profiter pour rencontrer certains musiciens qui ont compté pour lui. C'est là qu'on doit s'intéresser au personnage qui se trouve en contre-champ : batteur aussi à l'aise en musique traditionnelle brésilienne qu'en pur jazz, membre fondateur et essentiel du groupe jazz/samba/expérimental des années 70 Azymüth, on se trouve face à celui qui se fait appeler Mamão (une sorte de Papaye).
Ce Jackson Conti n'existe donc pas vraiment. Ou alors il désigne une rencontre, une sorte de personnage bicéphale qui ne se sera formé que pour se pencher sur la réalisation d'un disque.
Au moins, on peut affirmer que l'album Sujinho existe bien, lui.
Mélange informel de jazz, tirant parfois vers le hip hop, inspiré de standards brésiliens très connus, on imagine des sessions réalisées quasiment en prise directe, toujours un peu bancales, presque hésitantes, tout en étant étonnament cohérentes et transpirant la sincérité et la simplicité.
Mieux vaut ne pas chercher dans ce disque un son léché et planant comme celui d'Azymuth, ni des samples et des beats travaillés comme sur les albums de Jaylib ou du Beat konducta, on risquerait d'être déçu. En revanche, pour qui comprend un peu la culture carioca, ce disque n'est pas loin de toucher vraiment juste : on imagine bien les malandros dérouler leurs pas sur ces rythmes swinguants, soulignés par une basse subtile et un brin funky, les claviers simulent bien la petite brise rafraichissante qui s'imisse dans les rues qui bordent l'Aterro do Flamengo, les interventions mesurées de guitare décrivent bien le mouvement des palmes dans le vent... Et pourtant, on ne quitte jamais vraiment l'urbanité de la musique, comme on ne quitte jamais vraiment la ville du regard, même en s'enfonçant dans les forêts ou en s'élevant sur les morros.
Ce disque est du coup absolument impeccable dans sa représentation d'une musique instinctive, faite en un lieu précis, à un moment donné. Il est bouillonnant, mais ne s'éparpille pas, il est simple mais tellemet riche.
C'est le genre de disque qu'on ne ressort pas souvent, mais qu'on ne regrette jamais d'avoir choisi.