"The Big Machine". L'album du divorce pour nombre de fans d'Emilie Simon. Le chant de petite fille timide, entre chantonnements et murmures laisse place à une voix d'une ampleur et d'une puissance inédite. Les délicates toiles de sonorités électroniques s'effacent au profit de cuivres tonitruants et de rythmiques denses et chargées. Dernier sacrilège, la jongleuse de mots francophone disparait au profit de paroles quasi exclusivement en anglais.
Même si sa précédente tournée, immortalisée dans "L'Olympia", laissait présager des changements, notamment au niveau du chant (Il vous suffit d'écouter "My old friend" pour vous en rendre compte), rien d'aussi radical ne pouvait être anticipé. La conception et production même de l'album, collégiale à l'américaine, est aux antipodes de ses méthodes solitaires précédentes.
Ainsi, la première écoute est violente. Brutale. Déchainements de brass et de grosse caisse à la batterie, accords de piano martelés, une amplitude de chant envahissante, aux variations entêtantes. "The Big Machine" s'ingère avec difficulté.
Et puis finalement, la transition se fait, on s'habitue à cette mue de l'artiste qui, si elle use de mélodies plus accrocheuses, n'en oublie pas pour autant ses subtilités sonores habituelles savamment diluées dans le fracas des fanfares. Son chant est un magnifique hommage à Kate Bush (ça tombe bien, j'adore Kate Bush), ce n'est plus une musicienne qui chante pour accompagner ses mélodies mais une chanteuse qui compose autour des capacités dévoilées de sa voix.
L'ensemble de l'album est remarquablement cohérent, illustration du gigantisme des cités nord américaines, New York plus particulièrement. Alors oui, forcément, le français n'a plus sa place, les textes sont plus simples, mais qu'importe. Je n'ai jamais écouté de la musique anglophone pour la profondeur de ses paroles.
Parmi tous les titres, de ballades endiablées à la "Rocket to the Moon" en passant par la force incantatoire de "This is your world", ma préférence va à "The way I see you", illustrant à la fois ses techniques de chant sur fond de rythmiques tarabiscotées et ces variations de mouvements dans un même morceau dont elle a le secret.
Au final, j'ai toujours autant de mal à désigner mon album préféré d'Émilie Simon... Mais après tout qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !