The Devil Dancing
7.9
The Devil Dancing

Album de Brown Bird (2009)

Ça se passe là-bas.
Entre l’Amérique profonde et nulle part. Il y a des braises qui reposent et tout autour la musique qui s’étale en nappes. Il y a une voix inconnue qui murmure et sifflote sur un air de déjà-vu incertain. Elle dit la vieille histoire des gens d’ici, pressés religieusement, formant un cercle bancal. Les têtes ballotent et c’est un tambourin qui donne le rythme, un temps, il n’est plus là et le rythme s’efface car c’est le récit qui porte le fil temporel de ces chants de l’Homme gypsy.


Il y a une voix et des voix. Il y a un homme et une femme et près d’eux la troupe entière des vagabonds sans repères. Alors c’est l’autour que l’on chante, les frontières qu’on dessine, le contexte qu’on esquisse pour mieux gommer ses imperfections, fausser ses limites et étendre l’espace au prochain claquement du temps, ce rythme qui s’étouffe à nouveau, lente circonvolution sur lui-même et l’idée d’un nouveau départ chargé des acquis tout juste brodés.


Un temps.


Puis la complainte séculaire qui s’étire à nouveau vers le Bluegrass mélancolique des plaines infinies où le regard est vain. La guitare habitée étire à sa mesure les racines du folklore de tous. Tous attroupés, de la ville, du désert, du vieux, du nouveau continent, les yeux rivés sur le conteur qui tremble sous le poids du chant immémorial, porté d’un côté par l’amour naissant de la conteuse à son bras, de l’autre par la toile sonore qui ne cesse d’étoffer son emprise, une orchestration intense, de violon et violoncelle mêlés, d’accordéon tapageur et de six-cordes rêveuse.


Un rêve qui prend forme et une composition tangible et c’est le neuf qui nait du vieux temps passé, une hydre protéiforme, l’union fusionnelle de deux créativités, de deux âmes ouvertes, à nu.
Le cercle se ressert à mesure que l’accord impose sa cadence. Encore et encore. Jusqu’à l’irrespirable.


Un temps.


Et la pression lâche sans coup férir tandis qu’un relent de psychédélisme abscons s’invite à la communion. Tous incrédules, désorientés, puis jetés à l’aventure de gré, de force, tout de go. Qu’importe, le conte s’en accommode, fait sien le cri multicolore de la grande ville et ce sont parades et buildings qui poussent de toute part. On chante, on danse, fusion plus entière encore alors que chaque pierre de cette tour de Babel fantasmée s’imbrique à la perfection dans le grand tout qui émerge de l’amas indistinct.


Un temps.


Pour mettre au clair les idées folles et tenter de retracer le chemin parcouru. On n’a pas bougé d’un pouce pourtant, rien n’a changé que la couleur du ciel, désormais rougeâtre du jour naissant. Les braises ne sont plus. Le violon étire son ultime note et on achève cette étrange balade par un dernier chœur partagé en direction de l’astre en plein éveil, une dernière communion.

-IgoR-
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le 23 mars 2016

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