Ma première fois avec Aaron Maine remonte à début 2016, le clip de ‘Be Apart’ venait de sortir et avait reçu le graal de la critique post 2000 : le fameux « Best New Track » par Pitchfork. Le groupe venait d’être signé chez Domino qui plus est, un label indé respectable et une raison de plus de poser une oreille attentive sur ce groupe inconnu jusqu’ici. Pas sûr que je sois arrivé au bout de la chanson à l’époque. Le style aussi bien visuel que musical m’avait paru insupportable, c’était un beau produit « made in Pitchfork ». Des gueules pas possibles exhibaient leurs belles chaussettes au point de te faire oublier ce pourquoi tu es venu. De toute façon sa synth-pop sortie tout droit du rayon lingerie d’American Apparel n’avait pas plus d’attrait que leurs cols roulés serrés. L’écoute de Pool en avait donc était d’autant plus surprenante. C’était un bon disque même dans ce travers, celui d’être à la recherche constante du cool. Il suffit d’observer le look d’Aaron Maine pour en être convaincu, et puis quand ton amour de toujours s’appelle Greta Klein (cerveau de Frankie Cosmos), tu as beau être designer et ta copine chef pâtissière, vous ne jouez décidément pas dans la même catégorie. Formant à eux deux le couple le plus hype du lycée. Weird et Fashion à la fois, on sera forcément marqué par ce duo atypique, sapés comme jamais, aux physiques si différents mais qui se complètent pour autant. Le visage frêle de Frankie grandes oreilles et la gueule cassée de l’androgyne Maine.
Tout comme sa petite amie, Aaron est toujours un adolescent, exhibant sur Instagram sa vie pas comme les autres comme tous les autres (plus) jeunes gens de son âge. Pool était un disque immature malgré sa production léchée. Un disque m’as-tu vu qui jouait tous les codes hipsters (voilà fallait que ça sorte). Weird : check, tendance : check, rebelle : check, pop : check. Il y avait dans Pool tous les tiques et les tricks que l’on pouvait retrouver dans un teen-movie. Forcément ça agace ou comme moi ça fascine. Quel que soit la forme de l’art, la représentation de l’adolescence m’a toujours attiré et je suis sûrement plus clément face aux œuvres ratées caressant ce genre plutôt qu’un autre. L’œuvre de Porches n’était pas ratée, ce qui la rendait d’autant plus précieuse. C’était un disque sous influence Strokes qui aurait délaissé les riffs de guitares pour les mélodies synthétiques (Ces derniers ont d’ailleurs célébrés cette tentative ratée sur disque, ça s’appelait Angles). Malgré sa gueule troublante, Aaron ‘Porches’ Maine était donc devenu beau. Il instaurait insidieusement dans nos têtes le film de sa bande sonore, un film qui suivrait une bande d’ados friquée déambulant dans les rues chics de Beverly Hills.
The House en est la suite sous xanax.
Cliché il l’a été, cliché il le restera, les haters hateront, les lovers n’y retrouveront pas forcément leurs comptes, car si Pool suivait une bande d’ados aux looks savamment étudiés sous le soleil orangé de L.A., The House est le jour d’après avec ce que ça peut compter de gueules de bois et d’amours déçus. Entre les deux albums, 2 années se sont écoulées et il semblerait que quelque chose de pourri soit arrivé au royaume du cool. La lumière s’y est bleutée, et les sourires se sont aggravés. L’album tente de nous faire danser sur des beats aussi blafards que les lumières du club décrépi où traîneraient ces ados mais le cœur n’y est pas vraiment et il est fréquent après l’euphorie contestable d’en vivre la descente avec la chanson d’après. Quitte à sacrifier le disque sur l’autel de la cohérence autant y aller à fond et nous livrer un résultat parfois bancal mais qui lui donne tout son charme. Du dansant ‘Anymore’, au dépouillé/tragique ‘Wooble’ seule la voix vocodéisé d’Aaron Maine reste. Nous avons gardé les mêmes personnages mais nous avons quitté le soleil de L.A. pour la bizarrerie nostalgique de Twin Peaks.
Aux premières écoutes, on s’est d’ailleurs très vite entiché pour ces musiques plaintives et minimales qui deviennent au sein du disque à la fois les sommets et les moments où nous reprenons notre respiration. Du magnifique ‘Country’ (premier extrait dévoilé) à la doublette ‘Ono’ (commençant comme du Jeff Buckley avant de muter en du Daft Punk) / ‘Anyhting U Want’ (Justement influencée par Angelo Badalamenti, compositeur de la série de David Lynch), Maine dévoile une tristesse intense qu’on avait peu relevé avant ce disque. Il en est d’ailleurs de même sur les titres au tempo plus relevé, il ne cessera de nous chanter des complaintes. Bien que tout semble lui sourire, Maine joue la carte du mec malheureux, l’adolescent est resté coincé dans son TV show Beverly Peaks, on ne sait pas toujours ce qu’on doit prendre comme une vérité ou non, un peu comme lorsqu’il est accusé d’exploiter une image queer pour vendre des disques alors qu’il est purement hétéro… Qu’importe. The House c’est surtout la bande son d’une adolescence que nous n’avons pas connu, celle où tu passes tes soirées sur la plage, où les coups du bad boy sont évités et les plus jolies filles à tes pieds, l’adolescence de tous les possibles. Tant bien même qu’Aaron Maine a décidé de faire évoluer sa musique en un drama pur et dur, qu’elle soit fictive ou non, l’auditeur comme un binge watcher se repassera en boucle encore et encore les mêmes mélodies du moment qu’il ait sa dose d’évasion.