Le personnage principal de cet album n'étant pas nommé, nous l’appellerons Jean-Marc Ayreon (cet album est une fiction, toute ressemblance avec des personnes ayant existé est purement fortuite).
Pour la première fois, Lucassen amène un concept d'album qui s'éloigne de ses histoires habituelles de science-fiction (auxquelles il reviendra dès l'album suivant, 01011001). L'histoire se passe sur notre planète, à notre époque, et se centre sur des thèmes plus psychologiques : Jean-Marc Ayreon plante sa voiture dans un arbre sur la route de Notre-Dame des Landes et tombe dans un coma de 20 jours. Chaque chanson de l'album correspond à un jour. L'occasion pour Jean-Marc (interprété avec brio par James LaBrie de Dream Theater) de s'interroger sur sa vie passée, pendant que sa femme et son meilleur ami (un certain François) sont à son chevet en train de s'inquiéter pour lui.
Le coup de génie de Lucassen, ça a été de faire interpréter ses sentiments (la peur, la raison, la haine, l'amour, la passion et l'orgueil) par des chanteurs dont un Mikael Akerfeldt (Opeth) et un Devin Townsend plus que rafraichissants. Cette idée permet de faire de cet album un des plus vivants du projet Ayreon alors qu'il se passe tout entier sur un lit d'hopital.
Avec cet album, Ayreon est plus subtil que jamais. Le concept est fouillé, avec pour la première fois des personnages convaincants et vivants, la narration est non-linéaire puisqu'on découvre peu à peu le passé assombri de Jean-Marc.
Musicalement, les claviers se font de moins en moins artificiels et la musique gagne en qualité notamment de production. L'album est moins folk qu'à l'habitude mais les mélodies et instrumentations sont variées et inspirées. Les voix sont utilisées à merveille, nous proposant une incroyable variété de tessitures entre la voix sensuelle de Marcela Bovio et les growls d'Akerfeldt, entre le tenor de LaBrie et le style unique de Townsend.
Surtout, surtout, c'est cohérent, il y a quelque chose de mature dans cet album que ne possédaient pas Into the Electric Castle ou The Dream Sequencer. Pour la première fois, il y a une unité sonore du début à la fin, sans changements brusques de ton ou de style qui perturbaient légèrement l'écoute sur les albums précédents. Cette unité laisse présager l'album à 4 pistes que sera The Theory of Everything.
Enfin, cet album, s'il contient un peu moins de folies que les précédents, en nivelle aussi les boursouflures, pour une musique plus authentique, comme peut en attester Hope. Un album qui réussit à faire passer exactement l'émotion désirée, nous faisant passer de nostalgie à rage de vivre comme sur un électrocardiogramme, sans jamais d'ennui ou de gêne.
Et puis, quel plaisir d'avoir des nouvelles de ce bon Jean-Marc Ayreon, on se demandait presque où il était passé depuis un an.