Sixième album du projet Ayreon, The Human Equation est considéré par beaucoup comme une œuvre charnière dans la carrière du talentueux Arjen Anthony Lucassen. Une œuvre réellement aboutie qui permettra au néerlandais de s’imposer parmi les meilleurs compositeurs d’Opéra Rock, avec la preuve qu’il maîtrise désormais ce mélange des genres qui lui est si particulier, pour donner vie à une nouvelle histoire riche en émotions.
Comme toujours avec Ayreon, la première écoute n’est pas la meilleure. Les morceaux se suivent et nous noient dans ce déluge de voix et de mélodies. On se perd un peu, et au départ seuls Hope et Love sauront me surprendre. Mais comme toujours avec Ayreon, je sais maintenant que l’album se révélera progressivement, aussi je persiste à m’imprégner de ces mélodies riches et denses avant d’enfin me concentrer sur l’histoire. Et grand bien m’en a pris, car une nouvelle fois, j’émerge finalement de ce nouveau voyage conquis !
Dans The Human Equation, Lucassen s’éloigne pour la première fois de cette science-fiction à laquelle il est pourtant très attaché pour nous livrer un récit plus personnel, ancré dans notre réalité et qui jouera davantage avec nos émotions. On y suit l’évolution d’un homme plongé dans le coma suite à un mystérieux accident. Prisonnier de son esprit, ce personnage que l’on ne connaitra que sous le nom de « Me », et interprété par l’excellent James Labrie (Dream Theater), fera la connaissance de ses émotions personnifiées. De l’amour à la raison, de la rage à la passion, en passant par la peur, la fierté ou la douleur, chacune de ces émotions tiraillera sa conscience, et nous entrainera dans la vie de cet homme. Et c’est là la force de cette album : il nous rend témoin de la vie d’un homme, on partage alors son passé, ses peines et ses joies, on cherche avec lui les réponses, on comprend puis l’on veut se battre. À la manière d’un livre ou d’un film, The Human Equation nous transporte dans une autre dimension l’espace d’un instant, et ça fait du bien.
Outre la charge émotionnelle à laquelle chacun sera plus ou moins réceptif, il convient de souligner la qualité du travail opéré sur cet album. Les textes, étudiés de bout en bout, sont servis par un fabuleux casting de 11 chanteurs qui donnent véritablement corps aux personnages/émotions. On retrouve entre autre Mikael Åkerfeldt (Opeth), Eric Clayton (Saviour Machine), Irene Jansen (la sœur de Floor) ou encore Devin Townsend aux côtés de James Labrie et d’Arjen Lucassen lui-même, chacun apportant sa touche personnelle à l’ensemble. Lucassen sait tirer le meilleur de chacun de ses guests et ça se sent (ou plutôt ça s’entend) avec des passages d’une puissance sans égale comme l’arrivée magistrale de Devin à la fin de Loser ou le climax qui clôt l’album dans Confrontation !
Côté musique, le clavier domine toujours l’ensemble mais il ne faut pas négliger la diversité de The Human Equation. Tantôt saturée dans une ambiance métal, tantôt calme et mélancolique, parfois aux influences celtiques, la variation des rythmes et des thèmes est maîtrisée et s’accorde toujours avec les émotions véhiculées par l’histoire, participant à la cohérence de l’album. Au final, on ne pourra que regretter certaines « maladresses », des solos mal incorporés (Loser) ou des instrumentations légèrement répétitives (Realization), mais ça ne pèse franchement pas bien lourd face à la qualité globale de la galette.
En bref, The Human Equation s’impose comme une référence du métal progressif en nous entrainant dans une œuvre plus intimiste, servie par un excellent casting et une musique riche et variée. Contenant sa part de mystère sur la fin, toujours plus percutant et maîtrisé, ce sixième album ouvrira la porte sur l’ambitieux 01011001 qui clôturera le projet entamé en 1995 par The Final Experiment.