Rendons à César ce qui lui appartient. Si les deux premiers albums de la trilogie anti-Bush (Houses Of The Molé, Rio Grande Blood) peuvent souffrir parfois d'un son un peu commun en regard du travail qu'avait exécuté Ministry depuis vingt ans en matière de métal industriel (et en particulier sur l'intouchable Filth Pig), The Last Sucker, lui, constitue le pont parfait entre la rage speed et dégueulée de ses deux aînés avec le son froid et synthétique propre à l'indus.
C'en est d'autant plus admirable qu'on voit rarement des artistes durcir leur propos avec l'âge : mais Jourgensen ne mange visiblement pas de ce pain là... L'arrêt (très) tardif des drogues conjugué au double mandat Bush, c'est le cocktail détonant qui a muté le métal industriel lourd et ambiant délivré depuis le milieu des nineties par le groupe, en un brûlot purement cathartique. Ainsi, The Last Sucker est certainement le plus radical des albums de Ministry, tant au niveau du chant, des paroles que de la musique.
Pas de batterie, uniquement des programmations encadrant follement des riffs barbares et incroyablement malsains sur la première partie ("Let's Go", qui ouvre l'ensemble de manière magistrale, comme "Life Is Good", "Watch Yourself" ou "The Dick Song", sont des monuments de furie froide) ; la face B de l'album étant plus variée, moins féroce, laissant la place à des titres presque rock'n roll ("Die In A Crash", "End Of Days Pt 1", et bien sûr la reprise survoltée de "Roadhouse Blues") ou presque pop ("End Of Days Pt 2" et ses choeurs féminins). Presque, parce que ça dépote quand même sacrément dans les deux cas !
The Last Sucker brille enfin et surtout par son efficacité, Jourgensen et son équipe (dont les membres ont été en général recrutés dans les groupes signés sur son label 13th Planet) ayant ce talent incroyable pour renouveler encore et encore des riffs pourtant évidents, mais terriblement entraînants.
Il ne faut pas chercher dans The Last Sucker ce qu'on ne peut y trouver ; en particulier de l'innovation ou une ambiance pesante. Cet album symbolise plutôt la totale liberté artistique d'un homme dont la désintoxication a réveillé la partie la plus violente de soi, la révolte, avant quelque peu canalisée par la drogue et/ou le bassiste Paul Barker. Une renaissance tardive, brutale et éphémère, mais qui laissera des traces !