Le meilleur disque de ce début d'année marque la consécration du groupe d'Alynda Segarra. Après cinq albums de country-blues-folk déjà remarquables, The Navigator est un bond en avant. Il s'agit d'un disque concept dans lequel Segarra revient sur sa jeunesse dans le Bronx de New-York et sur ses origines portoricaines. L'œuvre est tendue entre un récit personnel et une histoire de la communauté portoricaine aux Etats-Unis. L'intime et l'universel se répondent pour peindre une fresque d'une puissance qui donne fréquemment le frisson. Les compositions d'Alynda Segarra sont toujours brèves mais pleines à craquer. Stylistiquement, c'est l'album le plus varié du groupe, et faire la liste des influences serait fastidieux. On va bien au-delà de l'Americana qui demeure la colonne vertébrale de cette musique.
Les mélodies sont souvent remarquables et il est possible que The Navigator entre prochainement dans la catégorie des rares albums dont j'aime toutes les chansons sans exception. Le morceau le plus long est l'avant dernier, celui qui forme la conclusion, le cri du cœur et le pic émotionnel de The Navigator. Intitulé Pa'lante, c'est un chef-d'œuvre à lui-seul, un hymne. Mais il n'est au final qu'une pièce de ce monument discret, de cette autobiographie magnifique. Bref, vous devez écouter The Navigator. Vraiment l'écouter, vous en imprégner, y revenir, le ressentir, avant de vous y plonger toujours davantage. C'est un disque bouleversant, très accessible, débordant d'humanité. Une oeuvre militante, conquérante, blessée, fragile. Son importance en cette année 2017 ne saurait être sous-estimée. C'est la musique qu'il nous faut, maintenant.