C'est en 2006 que l'homme le plus grand de la Terre débute sa carrière solo avec cet EP éponyme, et par la même occasion un des plus beau « revival » folk du début de siècle. Vous ne trouverez pas dans la musique de Kristian Matsson les arrangements d'un Sufjan Stevens, des compositions intimistes et millimétrées comme dans un album d'Iron and Wine, l'excentricité d'un Beirut, ou encore l'originalité d'un Phil Elvrum ; non, juste la musique d'un storyteller avec une guitare sèche et une voix atypique.
Bon le léger problème c'est qu'au final c'est l'EP d'un suédois inconnu qui fait de la folk classique, donc il est logiquement passé inaperçu dans le paysage musical. Il faut dire que les guitares acoustiques, les voix plus ou moins erraillées et les histoires d'amours qui finissent mal ça n'est pas nouveau ; ça fait des chansons sympas ou de belles ballades, mais on préfère généralement s'en tenir aux grandes figures du passé plutôt que de se pencher du côté des innombrables albums des candidats au "revival" ayant signé avec une maison de disque qui sortent chaque semaine.
Alors qu'est ce qui différencie The Tallest Man on Earth et lui a permis de sortir du lot ? On pense déjà à la voix unique et parfaite pour l'emploi : nasillarde et haut perchée, un timbre qui fait inévitablement penser à Bob Dylan à un moment ou un autre, mais néanmoins une voix plus écorchée et dynamique. A part si vous êtes un fan de ce dernier, le premier contact risque d'être difficile mais de mon point de vue ce monsieur possède une des voix les plus attachantes qui soit. Fort heureusement cette voix ne saurait être le seul point d'accroche si l'on prête un minimum d'attention aux compositions – épurées mais jamais baclées – qui la mettent en valeur, tant l'aisance mélodique y est impressionnante sur quasiment chacune d'elles que ce soit dans les lignes de chant ou les partitions de guitare. Une guitare vraiment bien mise en avant lors des prises de son, qui reste toujours limpide et réussit régulièrement à poser une ambiance mélancolique à travers quelques arpèges.
Et si Matsson n'est pas littéralement l'homme le plus grand du monde (1m70), c'est vraiment un des artistes les plus réguliers du monde en ce moment. Régulier aussi bien dans la qualité des chansons que dans l'atmosphère qui ressort de ses disques, évoquant en fait moins les contrées nordiques que les plaines américaines. Toujours cette voix captivante et qui glisse sur les compositions de façon un peu paradoxale au vu de son timbre : une véritable alchimie folk sur les deux premiers albums qui réussit l'exploit de ne pas lasser. The Tallest Man on Earth raconte ses histoires avec tant de conviction et d'aisance qu'on pourrait l'écouter des heures durant une fois habitué à son style.
Ainsi ce très bon EP de folk, sans être vraiment exceptionnel, présente déjà tout ce qui fonctionne dans la musique du suédois et une belle régularité (mes préférences vont aux pistes 1, 2 et 4 mais les deux restantes sont honorables). It Will Follow the Rain démontre qu'il n'a aucun problème à instiller une touche de mélancolie dans sa voix et dans son jeu de guitare, annonciateur du futur petit chef d'oeuvre que sera Where Do My Bluebird Fly. Walk the Line quant à elle expose déjà sa facilité à créer des chansons folk entraînantes pas écrites avec les pieds, ce qui sera désormais la moyenne chez ce gars et n'est pas sans rappeller son influence principale.
Bref, The Tallest Man on Earth de The Tallest Man on Earth est probablement la porte d'entrée idéale pour découvrir cet artiste, histoire de se faire un avis rapide sur le bonhomme et, si le contact passe, de s'habituer à sa voix pour profiter pleinement des petits bijoux folk à venir – The Wild Hunt et Shallow Grave en tête. Pour les autres déjà adeptes, ce sont 5 chansons qu'il serait dommage de manquer !