The Wild Trapeze par Benoit Baylé
Brandon Boyd est un type intelligent. Un de ceux ayant compris le pouvoir de la femme. Ou plus précisément de la jeune femme du XXIè siècle et de sa capacité à toucher au porte-monnaie quand un beau gosse lui demande avec des mots saccharinés. Saccharinées, les paroles et la musique du garçon le sont depuis dix ans, depuis Morning View. En 1999, Brandon Boyd faisait tomber les dreadlocks et se mettait à entonner des "Drive", des "I Miss You". Les prémices de la sombre continuation... Sauf qu'à l'époque, il ne s'agissait que d'écarts, d'incartades sucrées entre les "vrais" morceaux, les "Nowhere Fast", les "Make Yourself", les "Consequence". Et surtout, chaque personne s'étant penchée sur son travail de parolier conviendra qu'il avait un réel talent pour l'écriture, une manière de transformer ses vers en invitations imagées au voyage. Mais voilà, depuis 2001, Incubus n'est plus un groupe. Il y a Brandon Boyd, et les autres. Entouré de faire-valoirs qui le suivent dans chacune de ses décisions, soient-elles inverses à leur conception de la musique (Einziger est un adorateur absolu de Black Sabbath), Boyd et sa rhétorique chevaleresque sont maintenant libres. Personne n'est d'ailleurs surpris de constater qu'il est le premier membre du groupe originel à se délecter d'un album solo.
The Wild Trapeze. Un titre finalement peu représentatif de l'oeuvre, puisque les seules "wild things" relatives à l'album seront certainement les fans en chaleur qui vont se jeter dessus ("parce qu'il s'appelle Brandon, parce qu'il a les cheveux au vent, parce qu'il a trop une jolie voix"). En effet, ce trapèze auquel Boyd fait allusion n'a rien de sauvage ; il serait plutôt rempli de bons sentiments très civilisés. Parce qu'il évoque l'amour, ses sentiments, ses émotions profondes, son intimité. Certes. Est-ce cependant nécessaire de faire transparaître ces ressentis par ces sempiternels procédés outranciers que sont l'emphase, la mièvrerie ou la lenteur? Brandon Boyd ne se pose même pas la question et signe "Courage and Control". Ne vous attendez pas à du niais façon "Gossip Girl", quand les deux personnages principaux sont sur le point de s'embrasser au bal du lycée en train de danser une jolie valse : c'est pire. Cette chanson n'est pas un cliché mais une agglutination de clichés. Le cliché du rockeur trentenaire voulant se prouver qu'il peut encore séduire de la donzelle comme à ses débuts. Le cliché du chanteur nombriliste fatigué d'avoir à partager sa gloire avec les autres membres du groupe. Des poncifs qui n'aident pas à la capacité de création d'un artiste en grande carence d'inspiration. Mais il est libre, que voulez-vous. Si libre qu'il tombe dans l'incongru : quel besoin avait-il d'assurer tous les instruments de l'album? Le résultat est absolument accablant. Mais que voulez-vous, le garçon est libre. Il a fait son album. C'est beau.
Cependant, restons dans la justesse. Tout n'est pas à jeter. Les fanatiques retrouveront la voix singulière du chanteur de Calabassas, sa technique et son romantisme. Mais les vrais mélomanes auront compris que ce n'est pas suffisant. L'album est mauvais, tout simplement. Mauvais et annonciateur de la suite : un If Not Now, When? tout aussi imbuvable.