Pour son troisième LP, There’s No Leaving Now, Kristian Matsson alias The Tallest Man on Earth donne l’impression de s’être une fois de plus confortablement installé dans son ancien fauteuil, depuis lequel il gratte les cordes de sa vieille guitare. Seulement, l’homme apparaît ici moins solitaire, entouré de quelques amis musiciens qu’il a sollicités pour jouer sur ses dernières compositions. Une démarche nouvelle néanmoins passée au filtre habituel du mix made in Matsson, qui une fois encore met sa voix à l’honneur, mais en délaissant le reste. En restant accroché à ses gimmicks de production, en assumant qu’à moitié sa nouvelle direction artistique, le suédois ne se condamne-t-il pas à frustrer son public ?

Sur There’s No Leaving Now, le Tallest Man utilise pour la première fois le multi-pistes qui lui permet d’intégrer, en plus de son inévitable (et indémodable) duet guitare-chant, du piano, des guitares steel, slide, une batterie et autres couleurs qui conviennent bien à l’humeur apaisée de l’homme. Mais, par choix ou par habitude, Matsson a de nouveau transposé à l’identique son traditionnel schéma de mixage, qui met au premier plan son chant puissant. Sur les albums précédents, où le suédois se voyait uniquement appuyé de sa guitare folk, la formule fonctionnait à merveille et canalisait parfaitement la puissance de ses compositions dépouillées. En comparaison, dans ce nouvel album Matsson propose des compositions plus douces qu’auparavant et brode en conséquence des arrangements simples et tranquilles qui peinent à trouver leur place dans un mix qui s’avère ingrat à leur égard. Le résultat sur disque est la domination constante de la voix (certes brillante) de Matsson, écrasant une masse trop indistincte de guitares acoustiques et électriques, pianos et percussions que l’on devine à peine, laissée à l’abandon. Le travail apporté aux arrangements passe ainsi majoritairement à la trappe, tuant dans l’œuf ce qui aurait pu être une petite révolution dans le son du suédois.

Cet état de fait est d’autant plus regrettable qu’il empêche d’apprécier pleinement l’album et de le voir comme un ensemble cohérent de bonnes chansons. Car si les compositions du suédois sont toujours aussi touchantes que de coutume, telle « Little Brother » ou l’entraînante « Revelation Blues », la présence écrasante de cette voix qui n’hésite pas à saturer plus que de raison son micro en partant dans les aigus se révèle difficile à supporter lorsqu’on écoute les dix compositions d’affilée. Et ce d’autant plus que la guitare même du Tallest Man est reléguée au second plan, mettant de côté une partie de ce qui faisait le charme du suédois.

Quant à l’évolution de son songwriting, le constat est clair ; Kristian Matsson se sédentarise bien que ses compositions apaisées appellent une modification de son approche sonore, c’est-à-dire un nouveau voyage. Dommage que There’s No Leaving Now ne donne l’impression d’un travail qu’à moitié assumé, tant Matsson semble dissimuler dans sa production les nouveautés qu’il essaie d’apporter. On sent l’homme divisé par une volonté de changer son approche tout en gardant ses repères, sans pour autant se donner les moyens studios d’en assumer le choix. Hésitation du suédois ou réflexion trop peu poussée ? Difficile de répondre. Dommage enfin, car un morceau comme « 1904 » montre que le folkman est loin d’avoir usé le talent qui avait fait mouche sur Shallow Graves et The Wild Hunt.
TWazoo
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le 25 sept. 2013

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T. Wazoo

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